Cinq Ans… - « Quand on est ministre de la Culture, c’est comme quand on est ministre des Sports, il faut dire aux sportifs qu’on les aime. » Voilà donc à quoi se réduisait la vision culturelle du président Hollande : une banale déclaration d’amour. Celle-ci fut exposée en 2016 à Gérard Davet et à Fabrice Lhomme dans leur livre Un président ne devrait pas dire ça (Stock). Deux ans auparavant, en août 2014, François Hollande ne disait d’ailleurs pas autre chose à sa ministre Fleur Pellerin, quand, lui présentant son nouveau job à la Culture, il la conseillait ainsi : « Tous les soirs, il faut que tu te tapes ça [à propos des spectacles]. Et dis que c’est bien, que c’est beau. Ils [les artistes] veulent être aimés ! » Captée à son insu sur la terrasse de l’Élysée par la caméra d’Yves Jeuland, qui fut autorisé à suivre le président pour son documentaire À l’Élysée, un temps de président, cette séquence avait consommé le divorce entre un monde culturel, choqué par tant de désinvolture, et un président socialiste qui n’avait jamais témoigné d’appétence pour la culture. Ce qui vaudra cette dernière confidence de Hollande à Davet et à Lhomme : « C’est très difficile, la culture. Je trouve que c’est un milieu très dur, très exigeant, très ingrat. »
Élu l’année suivante, le 7 mai 2017, Emmanuel Macron n’a pas commis l’erreur de son prédécesseur. Le plus jeune président de la Ve République est souvent monté au filet pour s’adresser directement au monde de la culture, n’hésitant pas à le bousculer – souvenons-nous de son appel à « enfourcher le tigre » en plein confinement… C’est l’un des constats que l’on peut tirer du grand dossier que nous consacrons ce mois-ci à la chronique culturelle du quinquennat écoulé. Comme en 2012 et en 2017 avec les présidents Sarkozy et Hollande, le magazine L’Œil dresse le bilan culturel d’Emmanuel Macron, que nous avons souhaité, à quelques jours de la prochaine échéance électorale, le plus factuel et le plus objectif possible. Le sentiment qui ressort à la lecture de cette chronique est double : certes, Emmanuel Macron n’a pas ménagé le secteur culturel, mais il ne l’a cependant jamais déserté. On pouvait craindre d’un président littéraire et mélomane son manque d’intérêt pour le patrimoine et la création. L’examen, mois après mois, du quinquennat révèle au contraire qu’il a été omniprésent sur tous les fronts, au risque de court-circuiter ses ministres de la Culture, Françoise Nyssen, Franck Riester et Roselyne Bachelot-Narquin, et d’affaiblir un peu plus encore le ministère de la rue de Valois. Emmanuel Macron a heurté les professionnels de la culture quand il a confié à Stéphane Bern une « Mission patrimoine », quand il a donné les clés de la restauration de Notre-Dame à un général d’armée, quand il a ouvert la boîte de Pandore des restitutions et quand il n’a pas déconfiné les musées, monuments, centres d’art et galeries, jugés « inessentiels » à la vie du pays. Mais il a dans le même temps séduit en étant volontaire sur les nominations des grands musées (dont aucune n’a fait polémique), en mettant en place des mesures et des crédits exceptionnels en période de pandémie, en visitant les institutions culturelles à Paris et en régions (Arles, Besançon, Ornans, Lens…) ou en recevant des artistes et des acteurs de l’art à l’Élysée. De fait, nombre de promesses de la campagne de 2017 ont été cochées (la mise en place du pass Culture, l’ouverture des institutions à la parité et à la diversité, la valorisation du patrimoine), même si d’autres n’ont, il est vrai, pas été tenues, à l’instar de l’ouverture des bibliothèques le soir et le dimanche. Offensif sur le patrimoine (Villers-Cotterêts, le Loto du patrimoine, les restitutions…), le président n’a toutefois pas fait preuve d’audace en matière de création, ses choix étant davantage politiques et symboliques (la Marianne du street artist Obey dans son bureau, la verrière tricolore de Buren à l’Élysée ou la commande passée à Anselm Kiefer pour la panthéonisation de Maurice Genevoix) que dictés par une quelconque conviction – y compris lorsqu’il s’est agi de lancer, fin 2021, un programme de 30 millions d’euros de commandes publiques dans le cadre du dispositif « Mondes nouveaux ». Tout cela finit-il par dessiner une politique culturelle ? Une ambition, sans aucun doute ; une politique, cela reste à voir. Car une promesse est restée lettre morte, certes considérablement empêchée par l’épidémie de Covid-19 : le droit à la culture. La généralisation de la culture à l’école demeure toujours en panne, tout comme l’accès des publics à la culture dans un certain nombre de territoires – le pass Culture et les Micro-Folies ne sont pas seuls suffisants. Un défi qu’il reste donc à reprendre pour le candidat Macron. Ou pas.
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Cinq ans…
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°752 du 1 mars 2022, avec le titre suivant : Cinq ans…