Un siècle que Jules Massenet (1842-1912) est mort, laissant derrière lui une œuvre immense, déconcertante de variété. Retour sur un compositeur illustre quoique méconnu.
Nous sommes en 1863. Le millésime est crucial. Alors que Manet réalise Olympia et exhibe, troublantes, des chairs insoupçonnées, Massenet, son presque homonyme, remporte le prix de Rome avec une cantate dont Berlioz aurait été le premier thuriféraire, David Rizzio. Le début d’une vie traversée par la gloire, quand le travail acharné et la curiosité accoucheront de chefs-d’œuvre populaires tels que Manon (1884) et Werther (1892). Une vie traversée en maître, quand la liste des élèves suffit seule à stupéfier : Georges Enesco, Ernest Chausson, Gabriel Pierné ou Reynaldo Hahn.
Andante ostinato
Riche d’une centaine de pièces – tableaux, dessins, maquettes, costumes, partitions, photographies –, dotée d’un catalogue de référence [Gourcuff Grademigo, 39 s], l’exposition de la Bibliothèque-musée de l’Opéra permet, réglée comme du papier à musique, de prendre la mesure de celui qui domina la vie lyrique un quart de siècle durant, mobilisant la scène musicale par son ampleur (Don Quichotte, 1912).
Conciliant l’ordre ancien et le nouveau (Le Cid, 1884-1885), Massenet parvient à rompre la monotonie grâce à son sens aigu de la collaboration, en témoignent les vingt-sept librettistes sollicités au regard des trente œuvres lyriques créées et la fécondité des liens qu’il entretint avec ses interprètes – Emma Calvé pour Sapho (1897) ou encore Lucy Arbell pour Thérèse (1911). Avec Esclarmonde (1889), Massenet réussit un tour de force digne du Gesamtkunstwerk wagnérien : la contribution d’Eugène Grasset pour l’affiche, le frontispice de la partition et les décors fait de cet opéra majeur un remarquable monument théâtral.
Allegro moderato
Célébré, courtisé, décoré, applaudi, Massenet passa souvent pour mondain, frivole et poseur. C’était se méprendre. L’exposition révèle un homme tourmenté, saturnien, préférant les triomphes domestiques aux gloires officielles, sa petite famille à celle, trop grande, de la Musique qui l’intimidait.
Un bémol, donc, dans une symphonie qui, sinon, eût été ronflante, facile, trop facile. Une nuance dans cette Belle Époque qui tâcha de concilier machines et sentiments, de conjuguer Cendrillon (1899) et Thaïs (1894), et de mettre en couleur et en mouvement une musique que l’on voulut longtemps exonérer d’une telle plasticité. Le 29 mai 1912, quelques jours avant la mort de Massenet, le théâtre du Châtelet découvrait Nijinsky en faune sur un prélude de Debussy…
Bibliothèque-musée de l’Opéra, Paris-9e, Palais-Garnier, www.operadeparis.fr, jusqu’au 13 mai 2012.
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Jules Massenet : adagio assai
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Cet article a été publié dans L'ŒIL n°644 du 1 mars 2012, avec le titre suivant : Jules Massenet : adagio assai