L'année « France-Russie 2010 », organisée simultanément dans les deux pays, est une manifestation supplémentaire de la volonté qu’ont les Russes de réaffirmer leur puissance internationale, malmenée depuis l’éclatement de l’URSS. Une stratégie élaborée de soft power.
La culture va-t-elle supplanter le gaz dans les exportations russes ? Depuis la fin de l’URSS, l’ex-empire des tsars ne cesse de montrer son patrimoine artistique à l’extérieur de ses frontières. Il est bien loin le temps où le Soviet suprême n’autorisait que la sortie des chœurs de l’armée Rouge ou celle des danseurs du Bolchoï.
Le processus s’est accéléré avec l’arrivée de Poutine à la tête de la Fédération de Russie en 1999. L’ancien maire de Leningrad, redevenue Saint-Pétersbourg en 1991, a bien compris combien la promotion du capital culturel de Pierre le Grand et de ses héritiers pouvait contribuer à restaurer la grandeur de son pays. Même les derniers Romanov, qui n’ont pas brillé par leur clairvoyance, font l’objet d’une réhabilitation qui confine parfois au culte [lire L’œil n° 615]. Au prix de quelques contorsions idéologiques, car comment remettre en cause la révolution bolchevique, fossoyeur des Romanov, sans détruire tous ses acquis ?
La culture ambassadrice
« Impérial Saint-Pétersbourg » à Monaco (2004), « Europalia » à Bruxelles (2005), « Les Ambulants » à Orsay (2005), « Russie ! 900 ans de chefs-d’œuvre » à Bilbao (2006), « From Russia » à Londres (2008) ou, en 2009, les prêts du musée Pouchkine à la fondation Gianadda en Suisse sont quelques-unes des expositions qui ont célébré la grandeur de la Russie. Même la mise en avant des icônes sacrées, symbole de l’art russe, épouse opportunément la reconnaissance officielle de l’Église orthodoxe. Plus encore, à l’instar du Guggenheim ou du Louvre qui essaiment dans le monde, le musée de l’Ermitage de Saint-Pétersbourg a ouvert une antenne à Amsterdam qui attire les foules.
Seul l’art moderne échappe un peu à ce volontarisme d’État. Il est vrai que nombre de ses représentants, à commencer par Kandinsky ou Chagall, sont plus européens que russes (ou biélorusses). C’est ainsi à Paris en 1909 que les Ballets russes de Diaghilev, un art total qui dépasse la danse, ont été créés (lire pages suivantes).
La production sous l’ère soviétique pose en revanche plus de problèmes. On se souvient des réticences de l’administration russe pour la sortie d’œuvres appartenant au Sots Art qui avait fait l’objet d’une exposition en 2007 à la bien nommée Maison rouge à Paris. Porte-drapeau de la perestroïka, les mauvais garçons du Sots Art ne sont pas complètement en odeur de sainteté. En revanche la peinture réaliste soviétique commence à intéresser les collectionneurs, et pas simplement étrangers (voir L’œil 619).
Une année croisée
L’année « France-Russie 2010 » n’est donc qu’un témoignage supplémentaire de ce volontarisme culturel russe. Décidée en juin 2008, elle s’inscrit à la suite des nombreuses « années », décidées par les politiques, notamment Jacques Chirac, grand amateur de cet outil diplomatique. Elle présente cependant quelques particularités par rapport aux saisons précédentes. C’est d’abord une année croisée : la France se montrera elle-aussi, et dans le même temps, en Russie.
Ensuite, elle déborde du cadre culturel pour embrasser le spectacle vivant, le cinéma, et même l’économie. Le Grand Palais sera ainsi transformé en juin en vaste show-room du savoir-faire russe, aéronautique et nouvelles technologies comprises. Côté art contemporain, si la France met en valeur Bustamante, Messager, Lévêque ou Hyber dans différents lieux à Moscou, les artistes contemporains russes n’ont droit qu’à un service minimum : « un contrepoint »… au Louvre (cherchez l’erreur).
Au-delà des aspirations politiques, la Russie peut être fière de son patrimoine culturel, qui fonde son identité tout autant que son histoire mouvementée ou sa géographie démesurée. Il y a dans l’âme russe un génie pour la création qui transcende les époques. Pouchkine, Tchaïkovski, Malevitch et bien d’autres continueront à nous transporter, bien après la fin des gisements de gaz naturel.
ART MODERNE. « Lydia Delectorskaya, muse et modèle de Matisse »
Du 27 février au 30 mai 2010 au musée Matisse, Le Cateau-Cambrésis (59). Et du 18 juin au 27 septembre 2010 au musée Matisse, Nice (06).
Cette exposition est consacrée à la vie et à l’œuvre de Lydia Delectorskaya qui fut la muse du peintre pendant les vingt dernières années de sa vie.
ART ANCIEN. « "Sainte Russie" : l’art russe des origines à Pierre le Grand »
Du 5 mars au 24 mai 2010 au musée du Louvre, Paris.
Cette exposition présente des œuvres d’art des plus grands musées russes de l’époque byzantine du ixe siècle jusqu’au règne de Pierre le Grand au XVIIIe siècle.
ART MODERNE ET CONTEMPORAIN. Galerie Vallois Sculptures
Huit expositions durant tout 2010, à partir du 4 mars et jusqu’au 31 décembre à la galerie Vallois, 35, rue de Seine, Paris.
Ces expositions mettront à l’honneur le travail d’Orloff, de Zadkine et d’Archipenko pour la partie moderne, ainsi que le travail de Kuper, Antoshina, AES F, Blue Noses, Kosopalov, Zaborov… pour la programmation contemporaine.
PHOTOGRAPHIE. « La photographie russe contemporaine, 1991-2010 »
Du 23 juin au 29 août 2010 à la Maison européenne de la photographie, Paris. L’exposition présente le nouvel essor de la photographie russe depuis trente ans et après plusieurs années de stagnation.
ROMANTISME. « Le génie romantique russe à l’époque de Gogol et Pouchkine – Trésors de la galerie Trétiakov, Moscou »
Du 28 septembre 2010 au 16 janvier 2011 au musée de la Vie romantique, Paris.
Cette exposition rassemble une sélection de peintures, sculptures et d’objets d’arts relatifs au romantisme en Russie sous le règne d’Alexandre Ier (1777-1825), en mettant en valeur plus spécialement les écrivains Pouchkine et Gogol.
ART RELIGIEUX. « Oural, terre de ferveur. Collections du musée des Beaux-Arts de Perm »
Du 30 septembre 2010 au 2 janvier 2011 au musée de Fourvière, Lyon (69). Statues, icônes, objets d’orfèvrerie et textiles liturgiques rendent compte de l’art religieux de la région de l’Oural.
ART CONTEMPORAIN. « Contrepoint russe, de l’icône au glamour en passant par l’avant-garde »
Du 15 octobre 2010 au 15 janvier 2011 au musée du Louvre, Paris. La création actuelle mise à l’honneur dans le « temple » de l’art ancien.
L’accès à la totalité de l’article est réservé à nos abonné(e)s
Bons baisers de France- Russie
Déjà abonné(e) ?
Se connecterPas encore abonné(e) ?
Avec notre offre sans engagement,
• Accédez à tous les contenus du site
• Soutenez une rédaction indépendante
• Recevez la newsletter quotidienne
Abonnez-vous dès 1 €La collection du musée Picasso à Moscou et à Saint-Pétersbourg (février et juin).
La Manufacture nationale de Sèvres à Saint-Pétersbourg (juin).
« Napoléon et le Louvre » à Moscou (septembre).
Claude Lévêque à Moscou (mai).
Une rétrospective Bustamante à Moscou (février).
Une rétrospective Annette Messager à Moscou (mai).
Fabrice Hyber à Moscou, Nijni-Novgorod et Krasnoïarsk (septembre).
« Vive la France », programmation française à la Photobiennale de Moscou (mars).
Cet article a été publié dans L'ŒIL n°621 du 1 février 2010, avec le titre suivant : Bons baisers de France- Russie