Il raconte le tableau Marthe et Marie-Madeleine (1598) du Caravage en le liant au commerce de l’ivoire.
Comment un peigne en ivoire peut-il raconter l’histoire du monde ? C’est le pari du réalisateur Nicolas Autheman, qui s’intéresse à un détail dans le tableau Marthe et Marie-Madeleine (1598), chef-d’œuvre de Michelangelo Merisi de Caravaggio, dit Caravage (1571-1610). Troisième volet de la série d’Arte « Le Monde dans un tableau », le documentaire adopte le même dispositif que Le Monde dans un tableau, le chapeau de Vermeer (2020) et Le Monde dans un tableau, le piment de Velázquez (2022).
Le Monde dans un tableau, le peigne du Caravage plonge dans les ressorts psychologiques du maître du clair-obscur qui voulait transgresser les règles, les plaisirs interdits de la cité des papes mais aussi la relation oubliée, presque secrète, entre le Vatican et le Royaume du Kongo.
En 1598, à Rome, le Caravage peint une scène du Nouveau Testament : Marthe, l’une des premières disciples de Jésus, convertissant au christianisme sa sœur Marie-Madeleine, la prostituée. Le peintre saisit l’instant précis où Marie-Madeleine est touchée par la grâce. Au premier plan, un symbole de sa vaine vie passée est posé sur la table devant les deux femmes : un peigne en ivoire. Mais comment cet objet est-il arrivé à Rome en 1598 ?
Le narrateur François Morel relie le tableau du Caravage à ce qui se passe en Afrique, nous emmenant de Rome à Détroit, en passant par l’Angola et le Congo, tout en dévoilant les secrets du commerce de l’ivoire dans le Royaume du Kongo en Afrique centrale. Expliquant l’attachement que manifeste ce royaume pour l’ivoire des éléphants considéré comme un moyen de communiquer avec le monde des morts, François Morel raconte la conversion du roi et de son peuple au catholicisme en 1491 – une conversion effacée par les colons – et rappelle le colonialisme portugais et les dérives du commerce de l’ivoire.
Tissant sa toile sur la peinture du maître italien, Nicolas Autheman assume l’anachronisme visuel, le collage d’archives, de films publicitaires et d’images d’actualité, ainsi que la parodie de documentaire animalier. Il fait intervenir des personnes liées aux éléments du tableau, surprenantes, voire extravagantes, qui apportent leur témoignage et leur regard sur l’œuvre. Une tenancière romaine d’un club libertin raconte Rome la nuit, capitale du désir et de la luxure, au XVIe siècle comme de nos jours, un duo de coiffeurs explique l’importance de la coiffure, tandis qu’un garde-forestier angolais et un ivoirier parisien racontent la transformation de l’ivoire en œuvre d’art.
Belliqueux, Caravage se retrouve impliqué dans une rixe mortelle à Rome, ce qui l’oblige à fuir à Naples, Malte, puis Syracuse. Son tableau, Marthe et Marie Madeleine, connaîtra lui aussi une histoire mouvementée : longtemps considéré comme un faux, il passera entre les mains d’un riche diplomate argentin – tombant dans l’oubli, avant d’être acquis en 1973 par le Detroit Institute of Arts aux Etats-Unis, qui l'authentifiera.
Arte diffusera le documentaire le dimanche 1er octobre à 16h40, tandis qu’il sera disponible sur arte.tv jusqu'au 29 décembre 2023 (voir encadré ci-dessous).