Livre

Coup de cœur

Sickert, la provocation et l’énigme

Par Fabien Simode · L'ŒIL

Le 23 novembre 2021 - 338 mots

Dans un livre enquête publié en 2002 (Jack l’éventreur, affaire classée), Patricia Cornwell voyait dans le célèbre tueur en série, auteur de plusieurs assassinats en 1888, le peintre britannique Walter Sickert (1860-1942).

Delphine Lévy, Sickert, la provocation et l’énigme, Cohen & Cohen
Delphine Lévy, Sickert, la provocation et l’énigme
© Cohen & Cohen

Depuis, l’hypothèse de la romancière a été balayée par les historiens, qui ont rappelé que Sickert se trouvait en France au moment des faits, mais le doute demeure. Et sans doute cela n’aurait-il pas déplu à l’intéressé. Personnage haut en couleur, Walter Sickert fut semble-t-il obsédé par « Jack the Ripper », jusqu’à peindre entre 1905 et 1916 la chambre de l’assassin qu’il prétendait avoir croisé. Au même moment, il fut par ailleurs l’auteur de tableaux inspirés par l’assassinat, en 1907, d’une prostituée de Camden Town, qui s’inscrivent dans une série de nus anonymes, crus et sombres, qui devaient alimenter les suspicions. « Cette obsession du peintre pour ces sujets sulfureux pendant quelques années a contribué à la construction d’une image mythique, allant de la caricature de l’artiste séducteur et tourmenté jusqu’à la légende criminelle », écrit Delphine Lévy. Mais Walter Sickert n’en était pas à son premier coup d’éclat. Cet ancien comédien à la faconde aussi déliée que le pinceau, beau et ambitieux, était entré en peinture dans les années 1880 par de scandaleuses scènes de music-halls. Situé quelque part entre Hogarth et Daumier, disciple de Whistler et de Degas, Sickert avait compris qu’il lui fallait poursuivre une voie singulière, loin du bon goût, préférant le spectacle de la rue à la quiétude de la campagne, la brutalité d’un nu à l’ennui du bonheur familial. Né en Prusse, Walter Sickert a vécu à Londres, à Paris et à Dieppe ; il a exposé chez Durand-Ruel et Bernheim-Jeune, aux salons des indépendants et d’automne, comme dans le pavillon français de la Biennale de Venise en 1903. Mais quel souvenir la France en garde-t-elle ? Avec Sickert, la provocation et l’énigme, première monographie en français aussi monumentale qu’incontournable, Delphine Lévy, sémillante directrice de Paris Musée disparue brutalement en 2020, avait fait le pari de nous le faire redécouvrir. Pari magistralement tenu.

Delphine Lévy, Sickert, la provocation et l’énigme,
Cohen & Cohen, 573 p., 95 €.

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Cet article a été publié dans L'ŒIL n°749 du 1 décembre 2021, avec le titre suivant : Sickert, la provocation et l’énigme

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