Paul Guillaume, sa vie est un roman

Certains livres d’histoire se dévorent comme des romans. Il faut dire que le destin de leurs protagonistes se prêtent particulièrement à être couchés sur le papier. La trajectoire inouïe de Paul Guillaume est de cette trempe. Elle est même si épique qu’elle ressemble au synopsis d’un film à succès du début du siècle, avec d’incroyables rebondissements. Car, selon la formule consacrée, rien ne prédestinait Paul Guillaume à devenir l’un des marchands les plus influents des avant-gardes. La carrière de cet auto-didacte d’extraction extrêmement modeste, orphelin à 13 ans, commence littéralement dans le cambouis. À 19 ans, il est engagé dans un garage parisien. Cette activité, à des années-lumière du monde feutré de l’art, est l’improbable théâtre de son premier choc esthétique. Car, dans les caisses de caoutchouc importé d’Afrique pour la fabrication des pneus, il y avait aussi… des statuettes ! Ébloui par ce que l’on nomme alors l’art nègre, le jeune homme veut partager cette passion contagieuse en les exposant dans la vitrine du garage. Cet « accrochage » va faire basculer sa vie, puisqu’il est repéré par l’un des hérauts de la modernité : Guillaume Apollinaire. Le poète devient son mentor, le forme et lui présente le gratin de la bohème parisienne. Trois ans plus tard, ce bourreau de travail à l’ambition démesurée ouvre sa première galerie. Durant les deux décennies suivantes, il fera la pluie et le beau temps sur le marché de l’art en exposant les plus grands, Matisse, Picasso, Modigliani, et en aiguillant l’Américain Albert Barnes dans la constitution de sa mythique collection. Au terme d’un remarquable travail de recherche, Sylphide de Daranyi retrace cette épopée époustouflante. La biographie documente par le menu, mais de manière très enlevée, les différents épisodes de cette carrière menée tambour battant. À lire absolument pour se plonger dans les arcanes du marché, mais aussi pour redécouvrir cette personnalité superlative qui force le respect.