PARIS
Véronique Yersin dirige depuis dix ans les Éditions Macula. L’historienne de l’art en poste pendant dix ans au Cabinet des estampes de Genève a impulsé un nouvel élan à cette maison d’édition après son rachat. Cette année marquée par la crise sanitaire, Macula célèbre ses 40 ans. Véronique Yersin revient sur son sauvetage et ses priorités.
Véronique Yersin : Totalement. Comme pour toutes les autres maisons d’édition et pour toute la chaîne du livre, tout s’est arrêté brutalement. Les parutions de mars, avril ou mai ont été « gelées ». Or on ne peut pas pratiquement ni financièrement faire paraître les livres prévus entre mars et décembre sur les seuls mois de septembre à décembre. Ils seraient noyés. Nous n’avons, par ailleurs, aucune idée du rythme auquel l’activité va redémarrer et 90 % de nos ventes se font en librairie.
V.Y : Nous avons suspendu nos ventes en ligne dès que les librairies ont été contraintes de fermer. J’ai pris cette décision car je ne voyais pas pourquoi nous devrions prendre leur place le temps du confinement. En temps normal, la vente en ligne est destinée à ceux qui doivent parcourir des kilomètres pour avoir accès à une librairie et à l’étranger. Le lien avec les libraires est capital et particulièrement pour une maison comme la nôtre qui fonctionne avec des « long sellers ». Certaines librairies ont une grande partie de notre fonds, ce sont des passeurs essentiels.
V.Y : La réflexion est née d’un groupe de mécènes genevois qui s’est constitué pour sauver cette maison au fonds prestigieux. Ils m’ont proposé de faire un état des lieux de Macula qui, depuis 2007, n’avait rien publié. Avec l’envie que l’aventure se poursuive, ils m’en ont confié la direction et la relance. La maison a ainsi pu garder son nom, son statut de société à responsabilité limitée et a conservé sa totale indépendance. La Fondation Cercle Macula intervient ponctuellement pour aider à la réalisation de tel ou tel projet.
V.Y : En premier lieu, il fallait s’assurer de pouvoir continuer à faire revivre le fonds, sans quoi il n’aurait pas été utile de reprendre une maison existante, il aurait suffi d’en créer une. Ce qui s’est avéré très compliqué pour des raisons techniques, car le support à notre disposition pour réimprimer les livres était pour 80 % du fonds encore sur films, donc quasiment inutilisable. Il a fallu ressaisir tous les textes, retrouver les images et faire de nouvelles maquettes, autrement dit engager pour chaque réédition la même énergie et les mêmes financements que pour un nouveau livre. Nous avons commencé par les « célébrités » de la maison (Paul Cézanne, Aby Warburg, Rosalind Krauss, Clement Greenberg, Georges Didi-Huberman…). En parallèle, il fallait redonner vie à à Macula et à son catalogue avec de nouveaux titres, une nouvelle équipe, de nouveaux directeurs de collection, de nouveaux auteurs. Nous sommes aujourd’hui à 110 titres contre 70 en 2010.
V.Y : En 2019, notre chiffre d’affaires était de 170 000 euros avec un résultat net de 36 000 euros. Mais ce qui est important dans ce chiffre, c’est surtout que la vente de livres en constitue plus de 98 %. Les titres du fonds représentent une part importante de notre chiffre d’affaires.
V.Y : Je serai ravie de faire des catalogues d’exposition, mais je ne veux pas qu’ils nous soient imposés. Selon moi, chaque livre doit avoir un sens. Xavier Barral, qui a hébergé les Éditions Macula pendant plus de quatre ans, me demandait souvent : « Quel est le livre que tu rêves de faire ? » Je ne comprenais pas sa question, parce que le livre que je rêvais de faire, j’étais précisément en train de le faire. Comme ce fut le cas tout dernièrement avec Éric Poitevin, Michel Troisgros et Jean-Claude Lebensztejn pour Servez citron… que nous venons de publier, qui répond à une réflexion sur le livre de cuisine et qui a sa place dans notre catalogue. Nous avons aussi publié notre premier catalogue papier qui rend compte de 40 ans d’édition et montre toute la richesse de nos titres et de l’étendue des sujets abordés.
V.Y : Je ne l’espère pas. Après dix ans d’activité, nous sommes parvenus à trouver un équilibre en publiant huit titres chaque année. Huit est le chiffre magique par rapport à l’équipe que l’on a, au travail et au temps que chaque livre demande.
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L’état de santé des éditions Macula par sa directrice
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°548 du 19 juin 2020, avec le titre suivant : Véronique Yersin, directrice des Éditions Macula : « Après dix ans d’activité, nous sommes parvenus à l’équilibre »