Film - En 2001, les talibans dynamitent les statues de Bouddha de la vallée de Bâmiyân ; onze ans plus tard, des djihadistes ravagent quatorze mausolées de saints musulmans à Tombouctou.
Bâti sur cet arrière-plan, Francofonia, du cinéaste russe Alexandre Sokourov, répond, en 2015, à une commande du Louvre. Le film évoquera le destin du grand musée français sous l’Occupation, tout en s’interrogeant sur l’art en temps de guerre. Comment les œuvres, ciment des civilisations, deviennent-elles un enjeu dans leur destruction ? Nous sommes en 1940, Hitler se pavane dans une capitale offerte. Désormais, le directeur du Louvre, Jacques Jaujard, devra travailler sous le regard de Franz Wolff-Metternich, officier nazi à la tête de la commission allemande pour la protection des œuvres d’art en France. D’abord distants, les deux hommes se rapprochent, liés par leur amour de l’art et du musée. Francofonia fait écho à L’Arche russe, film que Sokourov avait réalisé à l’Ermitage en 2002. Prouesse technique, L’Arche russe déroulait un seul plan-séquence funambulesque à travers le musée de Saint-Pétersbourg. Projet mutant, Francofonia est au contraire une œuvre éclatée, un carnet de croquis. Les teintes sépia du passé, la piste sonore qui ondule à l’image, percutent des séquences contemporaines où le cinéaste dialogue par Skype avec un capitaine dont le navire transporte des œuvres à la merci d’un océan déchaîné. À Paris, Sokourov scrute le Louvre en détective. Sa caméra caresse la délicatesse des ailes de la Victoire de Samothrace, lèche les chairs souffrantes du Radeau de la Méduse… Dans l’îlot hanté du Louvre, toutes les époques se rencontrent. Passent le spectre d’une Marianne et un Napoléon qui proclame que tout est à lui. Et Francofonia de souligner les efforts d’un pays pour préserver des ravages de la guerre un patrimoine lui-même constitué, en partie, de prises de guerre. Tandis que sortait ce film, Daesh diffusait la vidéo de ses commandos saccageant à la pioche et au marteau-piqueur le musée de Mossoul. Bien d’autres antiquités étaient volées et revendues au marché noir. Enfin, le 4 janvier dernier, Donald Trump se disait prêt à frapper l’Iran « très rapidement ». Sur son compte Twitter, le président américain se vantait d’avoir repéré des cibles « de la plus haute importance pour l’Iran et la culture iranienne ». Alexandre Sokourov n’a plus tourné depuis Francofonia.
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Le Louvre sous l’occupation
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°732 du 1 mars 2020, avec le titre suivant : Le Louvre sous l’occupation