Tournée en numérique et en un seul plan-séquence, L’Arche russe nous entraîne dans le dédale des galeries de l’Ermitage, depuis le XVIIIe siècle jusqu’à nos jours. Alexandre Sokourov signe un film original et poétique où s’expriment au mieux les passions de “l’âme russe”?.
Invisible pour ceux qui l’entourent, un réalisateur contemporain se retrouve transporté au Musée de l’Ermitage, dans le Saint-Pétersbourg du début du XVIIIe siècle. Il y rencontre un diplomate français du XIXe siècle qu’il suit tout au long d’un nostalgique voyage à travers le temps. Leur périple se déroule au cours d’une unique prise de vue. “L’idée était de tourner le film, disons, sans reprendre son souffle, explique le réalisateur. Je voulais essayer de m’adapter au fil du temps en tant que tel, sans avoir à le remanier selon mes envies. Je voulais tenter une coopération naturelle avec le temps, vivre cette heure et demie comme si ce n’était que la durée séparant l’inspiration de l’expiration d’un souffle… C’était la tâche artistique ultime, la seule que je me sois fixée.” Il en résulte un film romantique et exalté, fait de rencontres inattendues avec Pierre le Grand, qui poursuit un général avec un fouet, ou encore Catherine II, en train de chercher un endroit où se soulager. Parcourant le palais d’Hiver, le Petit, le Vieil ou le Nouvel Ermitage, la caméra explore la turbulente histoire de la Russie, en s’arrêtant sur quelques épisodes clés : le dernier grand bal impérial de 1913 ou le siège de Leningrad par les nazis. Pendant la Seconde Guerre mondiale, les salles du musée sont plongées dans l’obscurité et ensevelies sous la neige ; les tableaux sont disséminés ça et là sur le sol... Seul, égaré, un soldat soviétique implore le diplomate français de ne pas marcher sur ses cadavres. S’échappant du musée par une porte donnant sur un “nulle part” brumeux, le diplomate susurre : “Monsieur, monsieur, dommage que vous ne soyez pas près de moi... Vous comprendriez tout. Regardez la mer tout autour. Nous sommes destinés à naviguer éternellement, à vivre éternellement.” Le Musée de l’Ermitage est cette arche qui préserve “éternellement” l’art et l’histoire de l’incroyable Russie.
L’Arche russe, réalisé par Alexandre Sokourov (90 min), 2002, sortie en salles le 26 mars. Film-annonce sur www.apple.com/trailers/independent/russian_ark.html
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L’Ermitage, temple de la mémoire russe
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°167 du 21 mars 2003, avec le titre suivant : L’Ermitage, temple de la mémoire russe