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ART CONTEMPORAIN

Yin, yang et Yun Hyong-keun

Par Henri-François Debailleux · Le Journal des Arts

Le 15 février 2023 - 658 mots

PARIS

Les œuvres monochromes rarement montrées de cet artiste sud-coréen sont exposées chez David Zwirner à Paris.

Paris. Après des prémices dans les années 1950, naît en Corée du Sud, dans les années 1970, un mouvement qui sera baptisé par la suite « Dansaekhwa », un terme qui signifie une seule couleur ou peinture monochrome, et que l’on pourrait aujourd’hui traduire par la « spiritualité du monochrome ».

Yun Hyong-keun (1928-2007) en fut l’un des fondateurs et piliers, aux côtés de Park Seo-Bo, Lee Ufan, Ha Chong Hyun, Chung Sang-Hwa, même s’il est aujourd’hui moins connu qu’eux en France, bien qu’il ait vécu à Paris de 1980 à 1982, où sa dernière exposition personnelle remonte à 2006 à la galerie Jean Brolly.

Vibrations du matériau

L’exposition présentée chez David Zwirner (la troisième après deux précédentes à New York) est d’autant plus marquante qu’elle réunit la série des douze œuvres sur « hanji », papier traditionnel coréen fait à partir de fibres de mûrier, qu’il a réalisées pendant son séjour parisien et qui, en provenance directe de sa succession, n’avaient encore jamais été montrées. Regroupées dans la petite salle de la galerie, elles sont non seulement splendides mais elles permettent de pousser encore plus loin le principe de ses tableaux et de tout son travail fondé sur la façon dont le support absorbe la couleur – principalement des noirs et marron – pour la faire vibrer et lui donner toute sa profondeur. Ces œuvres témoignent également, par la fragilité de ce papier et, en même temps par leur densité, de cette période difficile qui a vu l’artiste obligé de fuir son pays.

Il faut dire que le parcours de Yun Hyong-keun n’a jamais été de tout repos : il est arrêté et torturé en 1948-1949 pour avoir participé à des manifestations étudiantes ; en 1950, il l’est à nouveau, et même condamné à être exécuté pour ses positions politiques quand la guerre de Corée éclate ; il en réchappe avant d’être à nouveau rattrapé pour ses engagements et ses activités militantes. Plus tard, dans les années 1970, il se retrouve dans le collimateur de la dictature militaire et se révolte en 1980 contre la répression du soulèvement de la ville de Gwangju qui fit des centaines de morts, ce qui le conduit à s’exiler à Paris.

L’art du monochrome comme Soulages et Rothko

Dans la grande salle de la galerie, une quinzaine de tableaux (de 1979 à 1984) affirme les mêmes fondements et principes caractérisés par ces larges bandes monochromes que le support – de la toile de lin brute – vient boire afin de rendre poreux et flous les contours, tout en déclinant la gamme de densité et de profondeur de leurs surfaces pour les faire là encore très subtilement vibrer. Entre Pierre Soulages et Mark Rothko, avec une approche – voire une atteinte – de la notion de sublime, auréolée de beaucoup de spiritualité et d’un souffle incitatif à la méditation. Ces larges bandes, le plus souvent verticales, telles des lambeaux de couleurs et d’espaces deviennent un terrain de rencontres et de dialogues, entre des jeux d’opposition, le yin et le yang, le peint et le non-peint, le clair et le foncé, le construit et le flottant.

De façon plus triviale, situés entre 82 000 et 1,1 million d’euros, les prix sont conséquents. Mais ils s’inscrivent dans la lignée de ceux des Lee Ufan, Park Seo-Bo précités, toujours vivants et en activité. Plusieurs rétrospectives importantes ont contribué à cette hausse des prix, notamment celle du Musée national d’art moderne et contemporain de Séoul, en 2018, reprise l’année suivante par le Palazzo Fortuny à Venise. Yun Hyong-keun figure, en outre, dans de nombreuses collections prestigieuses dans le monde, aussi bien muséales que privées. Enfin, il ne faut pas perdre de vue que cela fait maintenant un certain nombre d’années que tous ces grands artistes coréens présents dans les plus importantes galeries et institutions, et soutenus par le marché coréen et international, ont vraiment la cote.

Yun Hyong-keun,
jusqu’au 23 février, galerie David Zwirner, 108, rue Vieille-du-Temple, 75003 Paris.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°604 du 3 février 2023, avec le titre suivant : Yin, yang et Yun Hyong-keun

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