Bastion de l’art contemporain, la Biennale est souvent infiltrée par le marché. De vrais vases communicants se sont mis en place entre Venise et la Foire de Bâle.
Les Biennales et autres Documenta sont-elles devenues des plateformes de marché ? On peut le penser au vu de la mercuriale qui bat son plein dans l’intervalle très court séparant les vernissages des deux événements. Pour éviter toute spéculation, la commissaire d’exposition Catherine David avait refusé en 1997 de communiquer la liste des artistes choisis pour la Documenta. Elle avait tout autant tenu les marchands à l’écart de sa sélection.
Le jeu des galeristes
Même si les curateurs s’efforcent de garder des cloisons étanches entre l’exposition et le marché, celles-ci se lézardent bien souvent. Les galeries sont les premières à communiquer sur la présence d’un de leurs poulains à la Biennale. La galerie Laurent Godin a ainsi souligné la participation d’Aleksandra Mir cette année à la Biennale de Venise tout en rappelant qu’elle serait aussi dans son accrochage à la foire Volta à Bâle.
Certains profitent de la présence d’un de leurs artistes à Venise pour exposer aussi des œuvres à Bâle. Le label « Vu à Venise » a profité en 2007 à Tatiana Trouvé, présente dans l’exposition générale de l’Arsenal, et à Bâle, dans la section Art Unlimited. Un phénomène qu’on a pu constater aussi avec un jeune artiste, Joshua Mosley, présenté à Bâle par la galerie Donald Young. Dans la foulée de sa prestation à Venise, il fut acheté par le musée d’Israël, LVMH et le MoMA, excusez du peu.
« Depuis que le marché a décollé en 2001, la Biennale est devenue une étape de plus pour consommer de l’art, constate un marchand. Le fait que les projets ambitieux soient produits par des galeries explique aussi que les œuvres soient à vendre. » En 1999, la galerie Continua avait cédé à la Annie Wong Foundation for Art une installation du Chinois Chen Zhen visible à l’Arsenal. La même année, le collectionneur Martin Z. Margulies s’était saisi d’une installation embaumant les épices d’Ernesto Neto. En 2003, le courtier Philippe Ségalot y achetait pour le collectionneur François Pinault la pièce Charlie de Maurizio Cattelan. De leur côté, les collectionneurs américains Don et Mera Rubell avaient acquis en 1992 sur la Documenta une grande sculpture de Charles Ray intitulée Oh, Charley, Charley, Charley.
L’impact sur la carrière de l’artiste
Bien souvent, les transactions se finalisent sur la Foire de Bâle. En 2007, le collectionneur François Pinault a acheté auprès de la galerie Michael Werner, présente à Bâle, six grands tableaux de Sigmar Polke exposés dans le pavillon international de la Biennale. La même année, la collectionneuse de Miami Rosa de la Cruz et l’amateur grec Dakis Joannou jouaient des coudes auprès de la galeriste new-yorkaise Andrea Rosen pour emporter l’intégralité du pavillon canadien conçu par David Altmejd. De fait, une autre œuvre présentée simultanément à la Foire de Bâle a alors trouvé preneur pour 85 000 dollars.
L’effet Venise a fait réviser les prix d’autres plasticiens. Après avoir vendu pour 145 000 dollars à un musée australien la vidéo du collectif AES, visible sur le pavillon russe en 2007, le galeriste turinois Marco Noire a exigé 250 000 dollars pour une autre vidéo présentée sur Art Basel.
L’impact d’un pavillon national est toutefois variable selon l’âge et le degré de célébrité préalable d’un artiste. La carrière de l’Américain Ed Ruscha était déjà établie avant sa prestation en 2005, tout comme celle de Bruce Nauman, en charge cette année du pavillon américain. La Biennale n’est qu’une ligne de plus sur leur curriculum vitæ. Reste à voir l’impact sur des artistes en milieu de carrière, comme Claude Lévêque, ordonnateur du pavillon français, ou Liam Gillik, responsable du pavillon allemand. « Autrefois le pavillon légitimait une fin de carrière, observe Florence Bonnefous, de la galerie Air de Paris. Dans le cas de Liam Gillik, qui est l’un des artistes les plus jeunes à avoir un pavillon, cela va donner une historicité. »
Les journalistes de L’œil sont partis, en avant-première, à la découverte de la Biennale de Venise. Pour les lecteurs, ils analysent à chaud les succès et les mauvaises surprises de cette édition 2009, pour les artistes confirmés bien sûr, mais aussi les découvertes, sans oublier les expositions off de la ville (lire p. 42).
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Voir à Venise, acheter à Bâle…
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°615 du 1 juillet 2009, avec le titre suivant : Voir à Venise, acheter à Bâle…