Galerie

Voir et entrevoir avec Taysir Batniji

Par Christine Coste · Le Journal des Arts

Le 13 février 2020 - 495 mots

À travers une grande diversité de formes d’expression plastique, et par le recours à la métaphore, l’artiste palestinien évoque, à la Galerie Éric Dupont, l’arrachement et l’exil.

Paris. Depuis sa première exposition en 2012 à la galerie Éric Dupont, il s’est passé beaucoup de choses pour Taysir Batniji (né en 1966), et ses travaux bénéficient aujourd’hui d’une certaine visibilité. « Gaza to America, Home away from Home », présentée en 2018 aux Rencontres d’Arles, a été l’une des expositions marquantes du festival. Photographies et vidéos de cet ensemble relataient la vie de ses cousins palestiniens immigrés aux États-Unis à travers leur expérience d’une identité recomposée. En contrepoint, une sélection issue de séries photographiques et filmiques réalisées entre 1999 et 2010 dressait une monographie partielle de l’œuvre. Car Taysir Batniji est un artiste multidisciplinaire. Son deuxième solo showà la galerie le rappelle, en attendant la rétrospective programmée par le Mac/Val à Vitry-sur-Seine à l’automne prochain. Peintures, dessins, aquarelles, photographies et sculptures évoquent en échos percutants l’« Entre(voir) », selon le titre de l’exposition. Cette notion résonne avec sa propre situation de Gazaoui où il est dans l’impossibilité de revenir chez lui, et plus largement avec celle de toute communauté ou tout individu voyant ses droits élémentaires bafoués. « Toute personne a le droit de circuler librement et de choisir sa résidence à l’intérieur d’un État. Toute personne a le droit de quitter tout pays, y compris le sien, et de revenir dans son pays. » L’article 13 de la Déclaration universelle des droits de l’homme gravé lettre par lettre sur des savons de Marseille rassemblés au sol a valeur de symbole, comme le titre de l’œuvre, L’homme ne vit pas que de pain [voir ill.]. Autour de cette sculpture datée de 2012-2013, réalisée dans le cadre de « Marseille-Provence 2013 », rayonnent des œuvres anciennes, inédites ou déclinés au fil des ans ; elles sont tout aussi évocatrices les unes que les autres de ces vies contraintes.

Usage de l’ellipse

L’empreinte, la trace et la mémoire sont les grands axes de réflexion de Taysir Batniji, usant de diverses formes d’expression. Par de légers traits à l’aquarelle sur une feuille blanche reprenant les traces des contours laissés par un ruban adhésif sur un dessin retiré du mur, il évoque ainsi la disparition, l’arrachement, l’absence. Il laisse aussi « Entre(voir) », par l’ellipse et la métaphore, la multitude de formes que la simple figure du zéro par exemple peut engendrer, qu’elle se fasse hublot d’avion, billet de banque, chaîne ou horaire bloqué et entaché de rouge. La violence, la mort planent. Par un simple trait de dessin rehaussé à l’aquarelle d’un verrou, d’une ampoule suspendue, d’une toile recouvrant un corps allongé, ces menaces transparaissent.

Le prix des œuvres sur papier varie de 2 500 à 4 000 euros, celui des peintures et de la photographie intitulée Mirage évocatrice du 11 Septembre de 7 000 à 8 000 euros ; la sculpture L’homme ne vit pas que de pain, affichée à 60 000 euros, est la pièce la plus chère.

Taysir Batniji, Entre(voir),
jusqu’au 22 février, Galerie Éric Dupont, 138, rue du Temple, 75003 Paris.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°539 du 14 février 2020, avec le titre suivant : Voir et entrevoir avec Taysir Batniji

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