Ernst Beyeler a obtenu, le 5 janvier à Strasbourg, la condamnation de l’Italie par la Cour européenne des droits de l’Homme. Celle-ci a estimé que les autorités italiennes avaient violé le droit à la propriété du galeriste suisse à propos d’un tableau de Van Gogh, Le Jardinier.
STRASBOURG - Ernst Beyeler, 79 ans, vient de gagner une bataille de dix-sept ans. Le marchand, qui a créé une fondation près de Bâle, accusait l’État italien d’avoir violé son droit à la propriété, garanti par la convention européenne des droits de l’Homme, en le dépossédant du tableau de Vincent Van Gogh, en vertu de la loi de 1939 réglementant l’achat d’œuvres d’art par des étrangers. Le galeriste avait acquis Le Jardinier en 1977, par l’intermédiaire d’un marchand d’art romain, et n’avait dévoilé aux autorités italiennes qu’il en était le véritable propriétaire qu’en 1983, lorsqu’il avait voulu revendre le tableau. Les autorités italiennes avaient cependant attendu cinq ans pour exercer leur droit de préemption, en 1988. Elles n’avaient remboursé à Ernst Beyeler que le prix d’achat payé en 1977, soit 600 millions de lires (environ 450 000 dollars de l’époque), alors que celui-ci s’apprêtait à revendre le Van Gogh à la fondation américaine Guggenheim de Venise pour 8,5 millions de dollars.
Un enrichissement injuste
Dans son arrêt, la Cour a jugé par seize voix contre une que l’Italie avait violé le droit à la propriété de M. Beyeler, car les autorités avaient attendu cinq ans pour exercer leur droit de préemption, en invoquant notamment le fait que le galeriste n’avait pas révélé son identité au moment de l’acquisition . “Reprocher au requérant en 1988 une irrégularité dont les autorités avaient déjà eu connaissance cinq ans auparavant ne paraît guère justifié”, ont estimé les juges.
En outre, cette situation a permis au ministère pour le Patrimoine culturel d’acquérir le tableau pour un prix sensiblement inférieur à sa valeur marchande. “Les autorités ont donc tiré un enrichissement injuste” de cette période, pendant laquelle leur attitude a été “tantôt ambiguë, tantôt consentante” à l’égard du requérant. Les juges se sont toutefois gardés de condamner le principe du droit de préemption, considérant que “le contrôle du marché des œuvres d’art par l’État constitue un but légitime dans le cadre de la protection du patrimoine culturel et artistique d’un pays”. Ils ont également reconnu le “caractère légitime” de l’action d’un État qui vise “à privilégier la solution la plus apte à garantir une large accessibilité au bénéfice du public, dans l’intérêt général de la culture universelle”. Mais, ont-ils conclu, dans cette affaire, l’enrichissement de l’État italien “n’est pas conforme à l’exigence du juste équilibre” entre l’intérêt public et la défense du droit à la propriété du galeriste, indépendamment de sa nationalité. L’Italie et Ernst Beyeler ont six mois pour trouver un accord financier compensant le dommage moral et matériel de cette violation. S’ils n’y parviennent pas, la Cour fixera elle-même le montant de l’indemnité.
L’accès à la totalité de l’article est réservé à nos abonné(e)s
Van Gogh : Ernst Beyeler gagne contre l’Italie
Déjà abonné(e) ?
Se connecterPas encore abonné(e) ?
Avec notre offre sans engagement,
• Accédez à tous les contenus du site
• Soutenez une rédaction indépendante
• Recevez la newsletter quotidienne
Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°97 du 21 janvier 2000, avec le titre suivant : Van Gogh : Ernst Beyeler gagne contre l’Italie