PARIS
La 46e édition, marquée par l’installation à Paris de galeries internationales comme David Zwirner, s’ouvre dans un contexte porteur pour l’art contemporain en France. Les marchands français sont à la fois satisfaits de ce regain d’attractivité et inquiets de la concurrence générée.
Du 17 au 20 octobre 2019, Paris devient la capitale mondiale de l’art contemporain avec la 46e édition de la Fiac qui draine dans son sillage, comme chaque année, quantité de foires off et d’expositions ambitieuses dans les musées, centres culturels et galeries d’Île-de-France. Cette année, par exemple, la jeune foire Galeristes a changé ses dates pour coller à la Fiac. « Nous y sommes pour quelque chose », estime Jennifer Flay, la directrice de la foire. « Nous drainons une clientèle large, 75 000 visiteurs. Pas moins de 12 000 invitations sont envoyées à des VIP dont la moitié fait l’objet d’une réponse positive. La Fiac est perçue comme une gigantesque exposition et une fête parisienne de l’art. »
La foire réunit cette année 197 galeries de 29 pays, dont pour la première fois des exposants de Côte d’Ivoire et d’Iran. Parmi les 25 nouvelles enseignes, le visiteur découvrira Lévy Gorvy de New York, Magnin ou Hopkins de Paris, appréciera le retour de l’anglaise Lisson et de la française Papillon. Outre la scène émergente proposée dans le secteur Lafayette, il pourra également découvrir un concentré du design moderne et contemporain incontournable chez Jousse, Laffanour-Downtown, Kreo, Seguin et Philippe.
Hors les murs, une trentaine de sculptures et d’installations seront comme de coutume disséminées dans le Petit Palais voisin et sur l’avenue Winston-Churchill rendue piétonne, une vingtaine d’autres œuvres réparties dans le Jardin des Tuileries, tandis que des architectures nomades investiront la place de la Concorde. Outre l’exposition monographique de Glenn Brown proposée au Musée Delacroix et la carte blanche donnée à Yayoi Kusama place Vendôme, il sera possible d’assister à des projections de films d’artistes au Cinéphémère, à des conférences au Grand Palais, à des performances dans des institutions comme le Louvre, le Centre Pompidou, Orsay, le Palais de la découverte ou l’Orangerie.
Cette édition s’ouvre dans une conjoncture en demi-teinte pour le marché de l’art contemporain mondial, mais plutôt marquée par un regain d’attractivité de Paris, Brexit oblige. Et ce, malgré l’impact négatif des Gilets jaunes et les menaces terroristes toujours présentes. En témoigne l’installation dans la capitale de grosses galeries étrangères comme David Zwirner. Si Jennifer Flay rappelle que ce mouvement a été initié il y a trente ans par la venue de Karsten Greve en 1989, Thaddaeus Ropac en 1990, Marian Goodman en 1995, Gagosian en 2010, Max Hetzler en 2014, Freedman Fitzpatrick en 2018, elle reconnaît que « cela renforce la place de Paris et envoie un signal de confiance : David Zwirner veut rester européen, il croit en notre ville. Et cela n’affaiblit pas pour autant des galeries comme Chantal Crousel, Nathalie Obadia, Kamel Mennour ou Emmanuel Perrotin qui pourraient être affectées », constate-t-elle.
« L’arrivée de ces galeries internationales, comme Zwirner, attire certes d’importants collectionneurs dont d’autres marchands pourront peut-être bénéficier, mais ces galeries parviennent souvent à concentrer pour leur profit l’essentiel des acheteurs importants, car ces derniers s’offrent à la fois l’œuvre d’un artiste et le label d’une galerie de renom », note pour sa part Georges-Philippe Vallois, à la tête du Comité professionnel des galeries d’art, plus partagé, avant d’ajouter : « Une mauvaise nouvelle pour certains marchands français serait, à moyen terme, la perte des artistes qu’ils défendent jusqu’ici en commun avec ces nouveaux arrivants, particulièrement les plus bankables d’entre eux. »
Et pour lui, « si la présence de galeries étrangères multinationales inscrit notre ville dans la logique d’internationalisation qui doit être la sienne, il faut que nos musées comprennent qu’il est d’autant plus important de défendre la scène française vivante, particulièrement les artistes en milieu de carrière, statistiquement moins exposés chez nous que chez nos voisins allemands, suisses et anglais ».
Le contingent français ne pèse déjà plus que 28 % des exposants de la Fiac qui tient à son aura internationale contre 31 % l’an dernier (mais 25 % en 2016), tandis que les stands américains représentent à eux seuls 18 %. La foire reste néanmoins européenne à 70 %, et s’entrouvre aux galeries asiatiques, moyen-orientales et africaines. Difficile, vu les contraintes de surface du Grand Palais, de satisfaire toutes les demandes, en particulier des galeries de taille intermédiaire ou des jeunes galeries, pourtant les plus en difficulté depuis trois ans. « Les marchands sont quasi unanimes sur la raréfaction des classes moyennes. Charges, impôts, en hausse ? Baisse de profit ? Toujours est-il que nous ne voyons plus un grand nombre de collectionneurs dont les galeries de taille moyenne bénéficiaient », observe Georges-Philippe Vallois.
Un nouvel élément pourrait décongestionner partiellement la Fiac. C’est l’avant-dernière édition de la foire au Grand Palais, qui devra fermer pour travaux. En 2021, un équipement éphémère accueillera l’événement sur le plateau Joffre au Champ-de-Mars. À la réouverture du Grand Palais en 2024 pour les jeux Olympiques, l’établissement offrira des espaces élargis permettant de réunir davantage d’exposants. « Nous pourrons alors passer de 197 aujourd’hui à 220 maximum en 2024, pour que cela reste confortable pour tous. Mais pas question d’aller à 300 comme Basel Miami », précise Jennifer Flay.
Si les foires restent indispensables, reconnaît Georges-Philippe Vallois, « elles ne sont pas forcément incontournables ». Outre la nocturne des galeries organisée le 17 octobre de 18 h à 22 h pendant la foire, de plus en plus d’opérations collectives sont montées pendant l’année par les marchands comme, le 15 septembre dernier, « Un dimanche à la galerie », avec 130 participants. L’objectif est de rappeler une évidence trop souvent oubliée : « Les galeries sont des lieux gratuits à l’année, dont la diversité des expositions est sans commune mesure avec tout autre lieu culturel », martèle Georges-Philippe Vallois.
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Une Fiac annoncée sous des auspices favorables
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°727 du 1 octobre 2019, avec le titre suivant : Une Fiac annoncée sous des auspices favorables