Galerie

XXE SIÈCLE

Tal Coat a la cote

Par Henri-François Debailleux · Le Journal des Arts

Le 27 février 2020 - 637 mots

Longtemps oublié, l’œuvre empreint de nature du peintre breton Pierre Tal Coat est à (re)découvrir à la galerie Maeght.

Paris. Pierre Tal Coat (1905-1985) est un parfait exemple de ces artistes qui ont connu leurs heures de gloire, notamment par sa grande rétrospective au Grand Palais en 1976, puis sont tombés dans un oubli plus ou moins profond avant de réapparaître à la lumière. Les récents coups de projecteurs sur l’artiste breton sont une preuve de cette ré-émergence : une mini-rétrospective à la Galerie Berthet-Aittouarès en 2016 ; une belle exposition à la Galerie Christophe Gaillard en 2019, montée avec l’estate de l’artiste ; et l’inauguration l’été dernier du nouvel espace permanent (400 m2) qui lui est consacré au Domaine de Kerguéhennec dans le Morbihan.

L’artiste à sa juste place

L’actuelle exposition à la galerie Maeght apporte de toute évidence une pierre de plus à ce regain d’intérêt. Elle s’inscrit dans le désir d’Isabelle Maeght de « rendre hommage, tous les ans, aux artistes importants que je considère ne pas être à leur place, comme nous l’avons fait précédemment avec Raoul Ubac, Jean Bazaine, François Fiedler, Jean-Paul Riopelle ». L’exposition rappelle aussi qu’à une époque pratiquement révolue, les galeries, notamment les plus grandes, travaillaient différemment puisqu’elles achetaient les œuvres aux artistes pour constituer un stock. Et c’est en effet de celui-ci, établi pendant un peu plus de trente ans de collaboration entre Tal Coat et les Maeght (de 1954 avec sa première exposition à la galerie jusqu’à sa mort en 1985) que provient la cinquantaine d’œuvres présentées ici. 47 ans de travail qui va d’une suite de quatre petits dessins Massacres inspirés par la guerre d’Espagne jusqu’à cette huile sur bois Vers le haut (1983).

Toutes les périodes de l’artiste défilent : le figuratif jusqu’au milieu des années 1940, marqué ici par un petit bijou (19 x 35 cm), Nature morte aux huîtres (1943) ; les déclinaisons de l’abstraction ; l’utilisation d’un vocabulaire formel inspiré du langage pariétal (Tal Coat avait été très marqué par la grotte de Lascaux et certaines gravures sur roche dans les Dolomites) ; les empâtements qui donnent reliefs et formes à l’informe, et profondeur au bleu azur ou aux nuances de gris-beiges de la côte bretonne.

Pratiques multiples

Une belle subtilité d’accrochage fait se côtoyer une encre sur papier évoquant des points suspendus qu’on retrouve comme des points de suspension en relief, dans une toile d’un bordeaux sublime, d’ailleurs intitulée Ponctué II (voir ill.). Car l’ensemble montre aussi la grande diversité des pratiques de Tal Coat (on découvre même deux rarissimes plaques en terre chamottée, sachant qu’il n’en a fait que trois dans sa vie) qui lui permettait de conjuguer les contraires : il travaillait extrêmement longtemps ses tableaux – il disait qu’il peignait des tableaux qui ne se finissaient jamais – et, en même temps, procédait par fulgurance dans ses encres ou fusains ; il jouait sur la densité dans ses toiles, et sur la légèreté et la transparence dans ses papiers et dans ses estampes réalisées à l’imprimerie Arte (celle de la galerie) où il faisait (é)preuve d’une très grande liberté pour nourrir, quel que soit le support, ses thèmes de la trace, du temps, de la terre et de la nature dont il était habité.

De façon conséquente, la fourchette de prix fait, elle aussi, de grands écarts qui vont de 200 à 1 500 euros pour les estampes et de 10 000 euros pour un dessin à 250 000 euros pour le plus grand tableau (3 mètres sur 2). Des prix certes élevés, mais qui ne sont pas non plus hallucinants pour un artiste dont on redécouvre la qualité et l’importance, et dont on a un peu oublié qu’il est présent dans les collections de prestigieux musées, du Centre Pompidou à Paris au Guggenheim et au MoMa à New York.

Pierre Tal Coat,
jusqu’au 4 avril, Galerie Maeght, 42, rue du Bac, 75007 Paris.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°540 du 28 février 2020, avec le titre suivant : Tal Coat a la cote

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