La galeriste qui a révélé l’artiste Eva Jospin ou le photographe Boris Mikhaïlov est décédée le 27 décembre, à l’âge de 73 ans.
France. Pour tout amateur d’art digne de ce nom, sa galerie était un passage obligé. Suzanne Tarasieve est décédée le 27 décembre dernier, entourée de sa famille et de ses proches. Elle avait eu la révélation de sa passion dès l’enfance, fascinée par des reproductions de Kirchner, Bosch et Munch, qu’elle découvre dans les livres. S’étant elle-même essayé à manier le pinceau, elle disait, avec humour et une pointe de coquetterie : « Les très bons marchands ont tous fait de la mauvaise peinture. » En 1978, c’est en autodidacte qu’elle ouvre sa première galerie à Barbizon, un siècle et demi après que le village a servi de point de ralliement aux pré-impressionnistes. Elle y promeut des représentants de la réalité poétique (Limouse, Legueult, Terechkovitch, Sabouro), mais aussi Jean-Pierre Pincemin ou Christian Bonnefoi ; elle fréquente le Salon d’automne, multiplie les échanges et les occasions d’apprendre, insatiablement.
Elle se fait rapidement un nom, grâce à son audace (y compris vestimentaire, car cette blonde menue cultivait un look spectaculaire) et à sa curiosité : après la chute du mur de Berlin, elle est l’une des rares galeristes à s’aventurer jusqu’à Leipzig. En Allemagne, elle visite les musées et les ateliers d’artistes tels que Gerhard Richter ou Georg Baselitz. L’aiguille de sa boussole restera aimantée par l’est. De 2001 à 2018, la galerie a ainsi régulièrement exposé Lüpertz, Penck, lmmendorff, Polke, apparus dans les années 1960. Dès 1999, elle fait également la rencontre de Boris Mikhaïlov, dont elle montre dès lors inlassablement l’âpre travail photographique. Nul doute que l’exposition que consacre en ce moment la Maison européenne de la photographie à l’artiste ukrainien aura compté parmi ses ultimes gratifications de galeriste. Devenue proche du collectionneur Marcel Brient, Suzanne Tarasieve l’écoute quand celui-ci l’encourage à s’installer à Paris : d’abord dans le 13e arrondissement, puis à Belleville où elle investit un « Loft », et enfin, en 2011, dans le Marais.
Plus sensible à la peinture, à la sculpture et à la photographie qu’aux installations, elle s’engage auprès d’une nouvelle génération d’artistes français tels que Jean Bedez, aujourd’hui reconnu pour son œuvre sur papier, Eva Jospin, qui débute avec des forêts sculptées dans du carton, ou encore le peintre Romain Bernini. Tout en représentant toujours des artistes rencontrés en Allemagne comme le très provocateur Juergen Teller, ou de jeunes Anglo-Saxons tels que Neal Fox.
Revendiquant son éclectisme, elle envisageait son métier comme une « mission » auprès des artistes qui l’intéressaient, quitte à ne pas prendre de gants avec les autres. Son caractère entier allait de pair avec une réelle générosité : organisant de grands dîners dans sa galerie, Suzanne Tarasieve avait le sens de la fête et du partage, et officiait la plupart du temps elle-même aux fourneaux. Elle a souhaité laisser sa galerie à ses collaborateurs, afin qu’à travers eux celle-ci lui survive.
L’accès à la totalité de l’article est réservé à nos abonné(e)s
Suzanne Tarasieve (1949-2022)
Déjà abonné(e) ?
Se connecterPas encore abonné(e) ?
Avec notre offre sans engagement,
• Accédez à tous les contenus du site
• Soutenez une rédaction indépendante
• Recevez la newsletter quotidienne
Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°602 du 6 janvier 2023, avec le titre suivant : Suzanne Tarasieve (1949-2022)