PARIS
Ses peintures, sculptures et céramiques dégagent une sérénité métaphysique. Cet artiste épris de nature explore la lumière et la matière des paysages de la côte normande.
Paris. Les falaises sont à Stéphane Erouane Dumas ce que les bouteilles étaient à Giorgio Morandi : une obsession, un prétexte, une métaphysique. Cela fait en effet environ trente ans, depuis ses débuts, que l’artiste (né en 1958) s’attaque aux falaises autour de Dieppe, celles de Varangéville, Pourville-sur-Mer, Veules-les-Roses et qu’il fait de ces flancs de calcaire des pans de peinture. « C’est un sujet dont on n’a jamais fait le tour. On croit que c’est statique, alors que ça bouge tout le temps, avec les changements de lumière, les morceaux qui tombent, les ruissellements », précise celui qui s’agrippe à ces parois pour éloigner le réel et se poser une vraie question de peinture : celle de la distance, justement, par rapport au sujet et donc du point de vue.
En abordant son thème de manière frontale (ce qui relève de la tautologie pour une falaise), il règle d’emblée la question du premier et de l’arrière-plan. L’artiste prend également le parti de se (et de nous) positionner ni trop près, ce qui reviendrait à réduire le champ, à rentrer dans le détail et à grimper vers l’abstraction. Ni trop loin, ce qui impliquerait de s’éloigner de la matière, de perdre de vue les surfaces, de tendre vers une figuration plus évidente. Il leur préfère l’entre-deux qui lui permet d’évoquer la falaise sans la figurer vraiment. Autrement dit, de donner une autre dimension au sujet et toute sa mesure à la peinture : décliner les lumières, fouiller les couleurs dans toutes leurs subtilités, varier les jeux de touche et de surface. Autant d’aspects qui ont logiquement conduit Stéphane Erouane Dumas à mettre en relief sa peinture et à réaliser des sculptures qui, avec des patines variées, multiplient les jeux d’ombre et de matière.
Parallèlement Dumas peint aussi depuis trente ans des arbres. Et ici des bouleaux, dont les troncs et les écorces lui permettent de jouer avec les verticales, les surfaces et les cercles que constituent les lichens. Comme avec les falaises, on retrouve là cette même impression de nécessité intérieure et ce même rapport au temps suspendu, au silence, au mystère ainsi qu’une plénitude, une solitude, une sérénité. Il se dégage en outre de l’ensemble une musicalité (une « mélodie des choses » aurait dit Rilke) d’autant plus évidente lorsqu’on sait que l’artiste travaille toujours en musique et plus précisément la musique séquentielle (Max Richter, Phil Glass…).
Entre 1 800 euros pour une petite huile sur papier marouflé sur toile (28 x 35 cm) et 30 000 euros pour le plus grand tableau (2 x 2,7 m) et 45 000 euros pour le bronze le plus important, les prix sont plus que raisonnables pour un artiste de cette qualité avec une longue carrière, mais hors des modes, discret, silencieux, à l’image de ses œuvres. Les vrais collectionneurs ne s’y sont d’ailleurs pas trompés puisque trois semaines après le début de l’exposition, plus de quarante pièces (sur les 70 au total) étaient déjà vendues.
L’accès à la totalité de l’article est réservé à nos abonné(e)s
Stéphane Erouane Dumas, le Morandi de la falaise
Déjà abonné(e) ?
Se connecterPas encore abonné(e) ?
Avec notre offre sans engagement,
• Accédez à tous les contenus du site
• Soutenez une rédaction indépendante
• Recevez la newsletter quotidienne
Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°562 du 5 mars 2021, avec le titre suivant : Stéphane Erouane Dumas, le Morandi de la falaise