PARIS
La jeune dessinatrice interroge avec poésie vestiges et ruines pour laisser entrevoir ce qu’ils recèlent de vie et de réalité.
Paris. Quand elle était petite, Marie Havel (née en 1990) adorait faire des maquettes. Mais c’est par le dessin, son autre passion, qu’elle a gagné une récente reconnaissance, au travers notamment de sa première exposition personnelle dans cette même H Gallery en janvier 2017 et grâce à l’obtention, dans la foulée, du premier prix de dessin du salon DDessin, en 2017 également. De la même série intitulée « Jumanji » – du nom du film de Joe Johnston avec Robin William – deux splendides dessins au graphite sur papier (mais datés eux de 2018) sont ici présentés dans ce deuxième solo show titré « Un peu de soleil dans l’eau froide », en référence à Françoise Sagan. On retrouve dans leur composition le thème du jeu, qui domine le film précité, sous l’angle ici de la construction-déconstruction (à l’exemple de l’évocation de pièces de Meccano ou de Lego) qui charpente le travail de Marie Havel. « En anglais, on dit Bild and smash games ou Make and break games, alors qu’en français on dit seulement jeux de construction. On oublie de dire que le jeu ne peut se refaire qu’à la condition qu’il soit détruit auparavant », dit-elle.
C’est également de bâti dont il est question dans sa nouvelle série intitulée « Le Ravin du Loup », du nom d’un site de triste mémoire, près duquel elle a passé, sans le savoir, la plus grande partie de sa vie (avant de partir à Montpellier où elle a fait les Beaux-Arts de 2001 à 2016 et où elle vit encore aujourd’hui). Le lieu, près de Villers-Cotterêts dans l’Aisne, était en effet une très importante base de télécommunication allemande, l’un des quartiers généraux d’Hitler, pendant la Seconde Guerre mondiale. Recouverts de végétation, les bunkers étaient camouflés et le ravin, devenu par la suite centre d’entraînement militaire français, restera caché et secret jusqu’en 2012.
La question du visible-invisible et la sensation que le réel se dérobe au regard vont la conduire à réaliser cette série de flocages sur des cartons gris (elle en présentait également lors de la récente foire Art Paris Art Fair). Pour montrer comment la végétation envahissante a redessiné les contours des bâtiments en ruine, Marie Havel a collé sur son support cartonné des textures (poudres et fibres synthétiques habituellement utilisées pour les sols des maquettes d’architecture) qui dessinent par défaut ses bâtiments en laissant les fonds gris intacts. Comme s’ils étaient figurés en négatif. Une belle réussite et une intelligente façon de conjuguer ses deux pratiques, dessin et modélisme, et de développer ses autres thèmes favoris, la ruine, le simulacre, le recouvrement et le dévoilement, la soustraction… pour faire vaciller le réel.
Compris entre 300 et 3 500 euros, pour le plus grand Ravin du Loup, les prix des œuvres sont plus qu’abordables. Une impression numérique sur papier (tirée à 100 exemplaires) est même proposée à 40 euros. Mais Marie Havel est encore une toute jeune artiste.
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Marie Havel gagne sa partie de cache-cache
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°500 du 27 avril 2018, avec le titre suivant : Marie Havel gagne sa partie de cache-cache