Ventes aux enchères - Musée

Les ventes des collections du musée de Saint-Cyprien annulées chez Millon

Par Marie Potard · lejournaldesarts.fr

Le 11 décembre 2017 - 886 mots

SAINT-CYPRIEN

PARIS [11.12.17] - La vente des collections de la ville de Saint-Cyprien (Pyrénées-Orientales), au cœur d’une vaste affaire de pots-de-vin et d’achat compulsif d’œuvres d’art dans les années 2000, a été ajournée par le maire.

Tout a commencé il y a presque 10 ans, quand des œuvres d’art achetées par la municipalité de Saint-Cyprien et normalement affectées aux collections de la ville restent introuvables. Non seulement, le maire de l’époque, Jacques Bouille - un médecin local boulimique d’art - avait la fâcheuse tendance de prendre une « petite commission » en espèces ou en œuvres d’art pour tout marché local ou permis de construire mais, en outre, il a fait acheter par la municipalité pour 10 millions d'euros d’œuvres entre 2003 et 2008, tout en « oubliant » d’accrocher les œuvres dans le musée, préférant les exposer chez lui.

Placé en garde à vue en décembre 2008 et incarcéré en détention provisoire pour « prise illégale d’intérêt et corruption », il se suicidait en prison en mai 2009. Le procès qui s’en est suivi en 2015 a condamné 11 des 15 prévenus liés à cette affaire, dont 4 - ayant écopé de peines de prison ferme - ont vu leurs peines confirmées en appel en septembre 2016. Deux d’entre eux se sont pourvus en cassation.

Cette vaste affaire de corruption et malversation a laissé la commune fortement endettée. Aussi, le conseil municipal avait décidé de vendre une partie des collections du musée de la ville, qui a le statut d’une fondation et n’est donc pas soumis au principe d’inaliénabilité. Réuni le 8 juillet 2016 en vue de décider du déclassement d’une partie des œuvres (691 œuvres) et d’en demander l’autorisation à la Commission Scientifique Nationale des collections, un passage obligatoire, la majorité a voté pour ce déclassement. Le 8 août 2017, la commission s’est prononcée défavorablement pour la vente, estimant que les œuvres ont un intérêt national. Elle préconise de les conserver, d’établir des échanges avec d’autres musées et conseille vivement à la collectivité de demander l’appellation « Musée de France ».

Le 26 octobre dernier, le conseil municipal s’est à nouveau réuni et a voté à la majorité le déclassement en vue de la cession de 613 œuvres, passant outre l’avis de la commission (il ne s’agit pas d’un avis conforme comme pour les Musées de France mais d’un avis consultatif). « Les sommes récoltées permettront de lutter contre l’endettement de la commune et seront affectées à la valorisation du patrimoine cypriannais. De plus, nous n’avons pas les moyens de conserver ces œuvres dans de bonnes conditions et nos réserves sont surchargées. Il faudrait changer de locaux », indique Stéphanie Misme, la directrice des collections. Les vacations étaient prévues pour les 13 (art d’Asie), 16 (arts premiers et arts précolombien) et 18 décembre (tapis et tapisseries) à Drouot, tandis que « le parcours pictural du musée est en revanche conservé », ajoute la directrice.

Mais coup de théâtre à quelques jours de la première vente, le maire de la ville, Thierry del Poso, annonce dans un communiqué de presse vendredi qu’il décidait « d’ajourner la vente aux enchères de la série d’œuvres d’art acquises par Jacques Bouille qui ont coûté à la commune 10 millions d’euros en 5 ans (de 2003 à 2008) ».

Alexandre Millon, le commissaire-priseur chargé des ventes est dépité : « c’est le 3e report car les ventes avaient déjà été programmées en avril puis juin dernier et finalement annulées. Les frais engagés sont importants. Nous avons réalisé 3 catalogues et même un coffret ».

Ce revirement de situation est le fait de 4 membres de l’opposition qui ont déposé un recours en référé devant le tribunal administratif à l’encontre de la délibération du 26 octobre prononçant le déclassement. Ils avaient déjà déposé un premier recours le 6 novembre, dont ils avaient été déboutés. « Nous ne nous opposons pas au principe de la vente mais au fait que les estimations (600 000 à 900 000 €) ne correspondent qu’à 30 % du prix d’achat. Entre 2006 et 2008, 2,5 millions d’euros ont été dépensés ! », lance Pierre Rossignol, conseiller minoritaire de la ville. « Les membres de l’opposition ont l’air de découvrir les estimations alors qu’ils étaient présents quand les experts sont venus en juillet 2016. Ceux-ci leur ont expliqué que le marché avait changé en 10 ans, que les prix avaient baissé d’autant plus que les œuvres ont été surpayées. Les estimations ne sont donc pas des prix cassés », rapporte Stéphanie Misme. Pour Pierre Rossignol, la procédure n’a pas été respectée : « ce sont des biens publics et qui plus est, dépassant une certaine somme. Il y a l’obligation d’une publication, désigner des experts et les mettre en concurrence. Or, là, un des experts de la vente a aidé Jacques Bouille à acheter. Nous avons la preuve écrite, un courrier du maire qui le missionne ».

Pourquoi cette contestation de dernière minute ? Selon Stéphanie Misme, « l’opposition pouvait contester au moment où la commission a rendu son avis. Là, c’est pour agir de façon fracassante, pour perpétuer la mauvaise image de l’ancienne municipalité.  Ça nous colle à la peau alors que nous voulons tourner la page ». L’arbitrage qui se déroule ce jour devant le tribunal, devrait en dire davantage sur la suite des opérations.

Légende photo

Couverture du catalogue de la vente « Collections de Saint Cyprien arts premiers 2/3 » initialement prévue le 16 décembre 2017 - OVV Million

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