Deux expositions parisiennes éclairent simultanément et avec justesse le travail de l’artiste hongrois.
PARIS - Par une heureuse coïncidence, deux galeries parisiennes ont décidé de jeter un éclairage simultané sur l’œuvre de Victor Vasarely, décédé en 1997 et tête de pont de l’art cinétique. Il fallait bien ce double effort pour remettre en avant ce maître de l’œil moteur, aussi encensé dans les années 1960 que décrié après l’âge d’or pompidolien. Les déboires juridiques de la Fondation Vasarely y ont d’ailleurs contribué de manière posthume.
De cet artiste d’origine hongroise, le grand public ne connaît trop souvent que les débordements, la prolixité et le foisonnement de sérigraphies médiocres. Or, les pièces présentées par les galeries Lahumière et Lansberg ont été soigneusement sélectionnées. Si la seconde a choisi de se concentrer majoritairement sur les décennies 1950-1960, la première expose aussi un tiers de pièces datées des années 1970-1975. Dans les deux cas, les visiteurs découvrent un visage moins connu du créateur. Lansberg met l’accent sur toute une partie documentaire, en montrant des pièces inédites des années 1930, notamment sa production comme graphiste et publicitaire. Dans un dessin représentant un agencement d’échecs, on devine ainsi un sens très dynamique de la composition, et même une veine burlesque insoupçonnée.
Capter les ambiguïtés du monde
Les deux accrochages révèlent surtout les nuances vibratiles de Vasarely, alors qu’on pense tout connaître de cette abstraction supposée froide. « Votre œil s’accroche aux aspérités du noir et du blanc violemment confrontés et surréagit aux contrastes de couleurs ; il subit les agressions de la vibration ou la caresse des dégradations calculées de la lumière ; il plonge dans des espaces illusoires et surgit à la surface de tableaux qui poussent vers vous leurs grilles monstrueusement dilatées. Vous n’êtes plus confronté à des formes, mais à des forces », écrit avec justesse l’historien de l’art Arnaud Pierre dans la préface du catalogue réalisé par Lahumière.
Chez Lansberg, le regard est happé par les jeux de stries en noir et blanc d’Altaï III (1955-1958). On retrouve comme en écho chez Lahumière un spécimen baptisé Ilava (1956), jouant lui aussi sur les lignes, mais avec une dominante de noir. Vasarely parlait ainsi d’image-miroir : « La même composition résolue en blanc et noir me donne automatiquement une deuxième composition résolue en noir et blanc. »
Cherchant à capter les ambiguïtés du monde, l’artiste suit des algorithmes plastiques, met en place une classification numérique et tabulaire, parle de « folklore planétaire » pour déminer la critique envers un art froid, compare ses losanges ou cercles multicolores à des atomes et molécules, mais aussi à des cailloux et des feuillages. C’est précisément ce rapport insoupçonné à la nature que met en relief l’exposition de Lahumière, avec une toile de la série Belle-Isle Meaux (1949-1952) reproduisant des formes semblables à des galets. Évident à travers des titres tels que Siris (1952-1958) ou Majus (1967-1968), le futurisme de Vasarely se teinte parfois d’un certain mysticisme. « Notre nature à nous, c’est la biochimie, l’astrophysique et la mécanique ondulatoire », soulignait-il. La théorie est une chose et la pratique une autre. Fort heureusement, aucune des deux expositions ne s’épanche trop longuement sur les œuvres expansives des années 1970, tout en formes affolées et au chromatisme très daté.
VICTOR VASARELY, ŒUVRES DE 1933 A 1973
Jusqu’au 19 novembre, Galerie Pascal Lansberg, 36, rue de Seine, 75006 Paris, tél. 01 40 51 84 34, www.galerielansberg.fr, tlj sauf dimanche 10h30-13h et 14h30-19h
VICTOR VASARELY, UNE RÉTROSPECTIVE 1948-1975
Jusqu’au 30 décembre, Galerie Lahumière, 17, rue du Parc-Royal, 75003 Paris, tél. 01 42 77 27 74, www.lahumiere.com, tlj sauf dimanche et lundi 10h-13h et 14h-18h30, samedi 11h-13h et 14h-18h
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Les nuances vibratiles de Vasarely
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Abonnez-vous dès 1 €VASARELY - Galerie Lansberg
Nombre de pièces : 25
Prix : de 80 000 à 700 000 euros
VASARELY - Galerie Lahumière
Nombre de pièces : env. 40
Prix : de 15 000 à 400 000 euros
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°354 du 7 octobre 2011, avec le titre suivant : Les nuances vibratiles de Vasarely