Ils prêtent depuis longtemps leurs œuvres aux musées publics. Plus récemment, ils ont multiplié leurs musées privés. Aujourd’hui, ils investissent les centres d’art, les galeries, les maisons de ventes… Demain, ils occuperont une bonne partie des réserves visitables des musées.
Les collectionneurs s’exhibent de plus en plus. Après de multiples prêts aux grands musées publics, ces institutions ont commencé à leur dédier des expositions comme, en 1995, « Passions privées » au Musée d’art moderne de la Ville de Paris. Ces grands amateurs d’art ont aussi multiplié leurs espaces privés pour y exposer leurs goûts, de la Villa Emerige, où Laurent Dumas montre les lauréats de son prix, à la future Bourse de commerce, où François Pinault présentera sa collection. Ils s’exposent également entre eux, à l’instar d’Antoine de Galbert qui a mis à l’honneur dans sa Maison rouge les choix de ses amis Marin Karmitz ou Bruno Ducharme. Ces collectionneurs investissent encore les maisons de ventes : en 2017, Christie’s a organisé pour la première fois une exposition-vente privée à Hong Kong de chefs-d’œuvre en provenance des collectionneurs asiatiques les plus influents.
Des galeries d’exception, comme la Patinoire royale à Bruxelles, leur déroulent le tapis rouge. Art Collector, club d’acheteurs français passionnés porté par le couple Deret, a ainsi pu promouvoir ses poulains hors des frontières, durant deux mois fin 2017, et, à l’invitation de la galeriste Valérie Bach, réunir dans ce lieu historique une cinquantaine d’œuvres prêtées par les membres d’Art Collector ou proposées par les galeries des artistes. À Bruxelles toujours, le centre d’art La Centrale affiche jusqu’au 27 mai prochain l’événement « Private Choices », valorisant les univers et les choix de onze collectionneurs à travers plus de deux cents œuvres d’artistes émergents ou reconnus internationalement.
Des initiatives gagnant-gagnant
Un pas de plus sera prochainement franchi : les collectionneurs pourront en effet bientôt squatter les réserves publiques d’un musée des beaux-arts, le Museum Boijmans de Rotterdam. Présenté aux visiteurs de la Tefaf Maastricht il y a trois ans, mais aussi dans le monde entier à travers une tournée internationale pour séduire les collectionneurs importants, ce futur bâtiment fait déjà le buzz, y compris auprès des conservateurs les yeux rivés vers ce projet, source de nouvelles recettes potentielles. « Le Museum Boijmans est né et s’est développé grâce à 1 700 collectionneurs qui ont fait don de 50 000 pièces en 170 ans. Alors, ayant besoin de nouvelles réserves, j’ai eu l’idée de réaliser un bâtiment susceptible d’accueillir à la fois les œuvres du musée et des collections privées », explique le directeur Sjarel Ex.
Ces réserves seront visitables et il y aura même des parcours guidés pour les découvrir ! Elles deviendront un édifice à l’architecture iconique pour Rotterdam et une source d’attractivité, de rayonnement pour le musée. Baptisée « The Boijmans Van Beuningen Depot », cette construction en forme de tasse est gigantesque par sa taille : 40 m de hauteur, 15 500 m2, dont 13 500 m2 pour le musée et 2 000 m2 pour les collectionneurs. Cette dernière partie est déjà louée à 40 % alors que ce lieu n’ouvrira qu’en 2020. « Nous ne pouvions montrer jusqu’ici que 6 à 7 % de nos collections, ce sera désormais 55 %. Et les collectionneurs utilisant notre dépôt pourront décider de montrer eux aussi leurs œuvres ou pas. Outre les 300 000 personnes qui déjà viennent voir chaque année les expositions du musée, nous attendons 90 000 visiteurs curieux de découvrir ces 70 000 pièces supplémentaires », se félicite le directeur. Dessiné par le cabinet d’architecture MVRDV, l’édifice, dont le coût s’élève à 62 millions d’euros, a été financé à hauteur de 20 millions par la famille de mécènes Van der Vorm.
Toutes ces initiatives, qui témoignent de la reconnaissance accordée aux collectionneurs, sont en fait du gagnant-gagnant. « Chaque exposition est une graine que l’on plante pour nos artistes », souligne le collectionneur Jacques Deret. Mais, pour Valérie Bach, Christie’s, le Centre Pompidou (qui consacre chaque année une salle aux collectionneurs de l’Adiaf) ou le Museum Boijmans, ce sont de nouvelles opportunités pour se rapprocher un peu plus de ces acheteurs, mécènes ou donateurs potentiels.
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Les collectionneurs à tous les maillons de la scène artistique
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°709 du 1 février 2018, avec le titre suivant : Les collectionneurs à tous les maillons de la scène artistique