Bande dessinée

Les auteurs d’Angoulême

Par Marie Zawisza · L'ŒIL

Le 22 janvier 2015 - 869 mots

Si le festival de BD peut propulser par ses prix et ses expos des auteurs et leurs albums sur le devant de la scène, a-t-il un impact sur la cote des dessinateurs ?

Avec treize expositions et trente-cinq auteurs en compétition officielle pour obtenir l’un des prix décernés chaque année, le Festival de la bande dessinée d’Angoulême, dont la 42e édition se tient du 29 janvier au 1er février, est devenu un rendez-vous incontournable pour les passionnés de BD. « Créé en 1974, il a été l’un des acteurs qui a donné à la bande dessinée sa légitimité et son statut d’art à part entière », souligne Nicolas Finet, programmateur du festival. Planches originales et dessins investissent en effet désormais musées, galeries et ventes aux enchères – un dessin à l’encre de Chine d’Hergé représentant Tintin et Milou dans trente-quatre situations différentes a ainsi atteint la somme de 2 654 400 euros chez Artcurial en mai dernier –, si bien que la bande dessinée semble bel et bien devenue aujourd’hui le neuvième art… De fait, le Grand Prix décerné chaque année à Angoulême a récompensé ceux qui sont aujourd’hui reconnus comme les plus grands artistes de la bande dessinée. Le premier d’entre eux fut Hugo Pratt, dont un portrait de Corto Maltese daté de 1979 vient de battre un record d’enchères pour l’artiste en novembre dernier chez Artcurial, avec une adjudication de 391 840 euros. « Il n’était à l’époque connu que d’un public limité », souligne Nicolas Finet. Après lui, des auteurs comme Moebius, Tardi ou Art Spiegelman ont été distingués par ce festival devenu en quelques années le plus important événement dans le monde de la BD. Le Festival d’Angoulême, un label pour les collectionneurs donc ? Pas si vite. Car l’impact d’une exposition ou d’un prix du festival sur le marché d’un artiste semble difficile à évaluer. « Le festival s’adresse au grand public et concerne le secteur de l’édition. Il n’intéresse pas les collectionneurs et n’influence aucunement une cote », insiste Éric Leroy, directeur du département des bandes dessinées chez Artcurial. Même si le festival donne une immense visibilité à un auteur auprès du grand public, c’est aux galeristes et aux institutions de prendre le relais pour lui faire intégrer les circuits du monde de l’art… 

Jeune talent
Guillaume Chauchat, exposé cette année dans le cadre du festival, y a été distingué en 2010 par le prix Jeune Talent. « Ce prix m’a surtout permis d’étoffer mon réseau », souligne cet auteur qui prolonge ses recherches sur le dessin et sur la ligne par des créations en fil de fer. Publié par les éditions 2024 à Strasbourg, qui accompagnent leurs auteurs en leur montant des expositions, il a pu à cette occasion vendre quelques dessins, planches ou fils de fer, pour des prix s’échelonnant entre 80 et 1 000 euros.
Guillaume Chauchat, planche de la bande dessinée Il se passe des choses #1, aux éditions 2024, 21 x 29,7 cm, plume et encre. Prix : 180 €.

À l’avant-garde et dans l’ombre
Exposé cette année à Angoulême, comme il le fut déjà pendant la 21e édition du festival, l’auteur de bandes dessinées et peintre Alex Barbier, dont les images tremblées et les couleurs irréelles trahissent les influences de Pierre Bonnard, David Hockney ou Francis Bacon, n’est pourtant collectionné que par un cercle très restreint de puristes. « Son dessin est de toute beauté et il a la reconnaissance absolue de ses pairs. Pourtant, il n’a pas fait de percée pécuniaire », remarque le galeriste Alain Huberty, qui propose une dizaine de ses planches originales. Parmi elles, celle-ci, réalisée pour son premier album Lycaons.
Alex Barbier,  planche originale Lycaons,  planche 22, encre de Chine et encres de couleur sur papier. Prix : 700 €, galerie Petits Papiers, Bruxelles et Paris.

Un auteur consacré
Blutch, sacré par le Grand Prix d’Angoulême en 2009, est considéré comme l’un des plus grands auteurs de BD actuels. Cette planche est très révélatrice de son style, nourri par l’imagerie cinématographique, axé à la fois sur l’action et l’expression des sentiments. De plus, elle a été réalisée pour Peplum, album capital dans la carrière de Blutch et qui, en 1998, l’imposa comme un grand dessinateur. Elle a été exposée à la galerie Martel lors de l’exposition personnelle consacrée à Blutch en 2011.
Blutch, Peplum, 1993-1995, encre de Chine sur papier, 26 x 35 cm.
Prix moyen d’une planche : 2  500 €, galerie Martel, Paris.

Ces stars sans cote…
Parmi les auteurs exposés cette année pendant le festival, le Japonais Jirô Taniguchi, distingué à Angoulême en 2003 par le prix du Meilleur Scénario, et l’Américain Bill Watterson, célébrissime créateur de Calvin et Hobbes, couronné par le Grand Prix l’an dernier. Leurs cotes ? « Inexistantes : ils n’ont pas de marché !  », répond Éric Leroy, directeur de la bande dessinée chez Artcurial. Et pour cause : ces stars ne souhaitent pas vendre leurs planches. Si trois planches de l’album fondateur de Taniguchi, L’homme qui marche, ont cependant été proposées chez Artcurial (et vendues entre 2 200 et 3 900 euros), la seule pièce de Watterson qui y a été mise aux enchères est… cette enveloppe signée, ornée d’un dessin de Calvin et Hobbes !

Où voir et Où acheter de la bd ?

42e Festival international de la bande dessinée d’Angoulême, du 29 janvier au 1er février 2015. www.bdangouleme.com

Galerie Petits Papiers, 91, rue Saint-Honoré, Paris 1er, et 8A rue Bodenbroeck, place du Grand Sablon, Bruxelles. www.petitspapiers.be

Galerie Martel, 17, rue Martel, Paris-10e, www.galeriemartel.com

Artcurial, 7, rond-point des Champs-Élysées, Paris-8e, www.artcurial.com

Cet article a été publié dans L'ŒIL n°676 du 1 février 2015, avec le titre suivant : Les auteurs d’Angoulême

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