Architecture

Territoire

Les architectes se mettent à l’œuvre

Par Christian Simenc · Le Journal des Arts

Le 30 mars 2016 - 625 mots

Plusieurs galeries, dont la Solo Galerie, estompent les frontières entre architecture et art contemporain en proposant des œuvres d’architecte.

PARIS - Habituellement, une galerie d’architecture présente l’architecture ou, plus exactement, des réalisations d’architectes, à travers l’efficace triptyque photographies, dessins et maquettes. L’exercice est louable, sinon primordial pour qui cherche à comprendre le processus d’élaboration d’un bâtiment quel qu’il soit. Il faudra désormais compter avec un nouveau genre de galeries « d’architecture » : celles qui montrent des pièces appelées à être davantage regardées comme des œuvres à part entière.

C’est le cas, par exemple, de la galerie RueVisconti (Paris), mais aussi de la Solo Galerie, (Paris), ouverte en 9 octobre 2015, par Christian Bourdais et Eva Albarran, avec une présentation consacrée à l’architecte indien Bijoy Jain.

Réinterprétation des formes
Inaugurée le 17 mars, la deuxième exposition accueille, cette fois, le Néerlandais Anne Holtrop, 39 ans. Installé à la fois à Amsterdam et à Manama (Bahreïn), ce dernier, a notamment conçu, l’an passé, le pavillon du royaume de Bahreïn pour l’Exposition universelle de Milan et le Musée Fort Vechten, à Bunnik (Pays-Bas). Sa philosophie est originale : « J’amorce toujours un travail avec des formes ou des gestes matériels qui n’ont pas de significations précises, qui se situent en dehors du domaine de l’architecture, raconte Anne Holtrop. Je suis convaincu que l’on peut toujours réinterpréter les choses, lesquelles peuvent à leur tour être perçues comme de l’architecture. Je veux trouver des formes et les laisser devenir architectures. » Il montre, ici, deux séries de travaux. D’un côté, « Batara », cinq pièces à l’allure primitive inspirées d’un pavillon (réel celui-ci !) inauguré, en 2012, dans le jardin de sculptures de l’Université de Wageningen, aux Pays-Bas. Chaque élément qui les compose, en plâtre teinté, a été coulé directement sur de la terre ou du sable, exhibant ainsi, une fois démoulé, un côté ultra-lisse – celui du coffrage supérieur –, et un côté rugueux – celui de l’absence de coffrage et du contact avec le sol irrégulier. Ces « constructions » (9 000 euros pièce) intègrent, en outre, des clichés de petits formats du photographe néerlandais Bas Princen. L’autre série s’intitule « Barbar », des œuvres inspirées du temple bahreïni éponyme, dont Floor [15 000 euros], pièce en marbre rose du Portugal posée à même le sol et que l’on peut fouler du pied, ou ce « modèle » de pavillon en béton [15 000 euros] qui, le cas échéant, peut aussi être édifié grandeur nature.
« Nous voulions montrer qu’il existe un rapprochement entre l’architecture et l’art contemporain, comme on peut le voir, de fait, depuis quelques années, en particulier à la Biennale d’architecture de Venise », observe Eva Albarran. « Les œuvres d’architectes sont un nouveau territoire de collection, estime Christian Bourdais. D’ailleurs, nos clients ne sont pas de “nouveaux collectionneurs”, mais des collectionneurs déjà d’art contemporain ». Certes, ils ne sont pas encore nombreux : « Pour l’heure, nous avons vendu trois œuvres de Bijoy Jain (la fourchette des prix s’étirant de 3 000 à 48 000 euros, NDLR), indique le galeriste, mais nous commençons à ressentir un intérêt très fort de la part de personnalités emblématiques du milieu de l’art : collectionneurs, artistes ou responsables d’institutions culturelles, français et internationaux. » Reste à affiner la méthode : « Exposer dans les grandes foires comme Art Basel ou Frieze n’est pas, pour nous, un objectif, avance Christian Bourdais. Nous réfléchissons à des événements plus singuliers : les “Solo projects” ». Lors de la Fiac, l’an passé, la galerie a ainsi installé, dans le jardin des Tuileries, une pièce monumentale du Chilien Smiljan Radic intitulée Le Garçon caché dans un poisson. Bref, ce « nouveau territoire » demande à être exploré au fur et à mesure.

Anne Holtrop, Barbar, Batara

Jusqu’au 7 mai, Solo Galerie, 11, rue des Arquebusiers, 75003 Paris, tél. 01 42 77 05 44 ou www.solo-galerie.com.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°454 du 1 avril 2016, avec le titre suivant : Les architectes se mettent à l’œuvre

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