PARIS
À la galerie Art : Concept, à l’occasion de la sortie d’une monographie, l’artiste recycle avec ironie des objets du quotidien et les fait dialoguer avec des œuvres de ses débuts.
PARIS - Tel un rituel, lors de chaque Fashion week, nombre de galeries d’art ont pris l’habitude de se transformer en show-room éphémère. Un détail qui n’a pu échapper à Michel Blazy (né en 1966) qui, depuis plus de vingt ans, porte un regard humoristique et subversif sur l’univers de la consommation quotidienne. Pour sa nouvelle exposition à Art : Concept, l’artiste d’origine monégasque a transformé la galerie en magasin d’un nouveau genre. « Je voulais faire une proposition autour de l’univers du magasin avec des objets technologiques, de la vaisselle, des vêtements… » confie-t-il.
Lenteur et fragilité sont à l’honneur ! Au centre, un présentoir tel qu’on peut en trouver dans une boutique à la décoration épurée, accueille quelques pulls pliés et posés le plus simplement du monde. Des plantes ont élu domicile sur ces vêtements qui s’animent ainsi d’une vie secrète. Comme par contamination, cette collaboration avec le règne végétal se poursuit avec divers autres objets du quotidien : un iBook qui accueille en lieu et place des touches du clavier retirées un petit jardin verdoyant, ou encore un appareil photographique numérique et une pipe envahis tous deux par la végétation. Dans ces « sculptures vivantes », nature et culture, loin de s’opposer, sont pensées ensemble, rappelant la manière dont Gilles Clément conçoit ses jardins de résistance, avec beaucoup d’amour et d’espérance.
Résister grâce au périssable
L’aventure se poursuit sur les cimaises avec un mur qui pèle. Mais cette fois, point de purée de carottes menacée par des moisissures, mais une couche de colorant rose poudré qui se craquelle, comme une subtile allusion à l’univers des produits de beauté et au vieillissement de la peau. Le temps est une composante essentielle dans l’œuvre de l’artiste. Une composante qui lui permet de résister à la fétichisation actuelle des objets. Ses œuvres sont des processus qui incluent les imprévus et se refusent à la réitération. Pour autant, Blazy ne renonce pas à une certaine forme de séduction et d’émerveillement visuels, comme avec ce mur qui boit et se transforme progressivement en paysage abstrait grâce à l’absorption de colorants alimentaires.
Profitant de la sortie d’une monographie sous la direction du Frac Île-de-France (Manuella Éditions) qui retrace son œuvre depuis ses débuts, il a également décidé de réactiver des pièces des années 1990 à côté de ses nouvelles productions. « J’avais envie de montrer des œuvres anciennes qui n’ont pas été trop vues et dont je me sens encore très proche », précise-t-il. L’occasion pour le visiteur de constater la cohérence de son travail, mais aussi la permanence du dialogue qu’il entretient avec la sculpture, la peinture et l’histoire de l’art. Un grand cube en aluminium doré qui menace de s’effondrer au moindre souffle prolonge les interrogations du mouvement Antiforme. Des dessins au feutre et à l’eau de javel revisitent l’abstraction picturale…
Il y a dans ce travail une résistance tant esthétique que politique. Une résistance « face aux valeurs d’une société obsédée par la consommation effrénée, la propriété et le divertissement permanent », comme le souligne Ralph Rugoff dans la monographie évoquée plus haut. La plupart de ses installations laissent place à la disparition des objets. De quoi décontenancer le marché de l’art et les institutions. Car alors que peuvent-ils acheter ? Une « recette » qui permet de reproduire l’œuvre, rappelant les protocoles de l’art conceptuel à la différence que, pour Blazy, ces « recettes » ne peuvent en aucun cas être exposées. Alors, qui relève le défi d’acquérir ce type d’œuvres à l’heure du culte absolu de l’objet ? Une poignée de collectionneurs européens, essentiellement français, des aficionados qui vont prendre soin de l’œuvre acquise comme ils cultivent leur jardin. Quant aux institutions, la frilosité est plutôt de mise face à un travail qui remet en cause ses grands principes à commencer par celui de la conservation. Notons cependant le soutien, depuis des années, des Frac et du groupe des Galeries Lafayette. Les pièces présentées actuellement vont de 3 000 à 8 500 euros pour les dessins, de 25 000 à 30 000 euros pour les installations murales et de 7 000 à 25 000 euros pour les « sculptures vivantes », comme celles de l’ordinateur et des pulls. Des prix bien raisonnables pour un artiste de cette maturité, comme le souligne le directeur d’Art : Concept, Olivier Antoine, qui le représente depuis leur première collaboration en 1991 et demeure son seul et unique galeriste. Dès le soir du vernissage, quatre pièces avaient déjà trouvé un acquéreur.
Nombre d’œuvres : 10
Prix : de 3 000 à 30 000 €
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Le pied de nez de Michel Blazy au consumérisme
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Abonnez-vous dès 1 €jusqu’au 7 mars à la galerie Art : Concept, 13 rue des Arquebusiers 75003 Paris, mardi-samedi 11h-19h, www.galerieartconcept.com.
Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°430 du 27 février 2015, avec le titre suivant : Le pied de nez de Michel Blazy au consumérisme