Selon la formule consacrée, le Musée Napoléon Ier a fait peau neuve. L’établissement sis au cœur du château de Fontainebleau n’a toutefois pas succombé à la mode des projets de rénovation spectaculaires, dont ses homologues sont si friands.
De prime abord, la transformation du musée semble bien discrète. Il faut dire qu’elle n’est pas de nature architecturale, mais philosophique. Le musée a en effet été reconfiguré et son propos clarifié. Une réorientation bienvenue pour ce lieu singulier fortement tributaire de son histoire. C’est en effet la dation impériale de 1979 qui acte sa naissance. Cette dation a permis l’entrée d’œuvres majeures et d’objets précieux dans les collections nationales ayant appartenu au prince Napoléon ainsi qu’à d’autres descendants de Jérôme, le dernier frère de l’Empereur des Français. L’arrivée de ces œuvres dans le giron de l’État induit à l’époque une réflexion sur la répartition des collections liées à Napoléon dans les différents musées français. Malmaison se recentre alors sur la période du Consulat et Joséphine, tandis que Compiègne se consacre au Second Empire. Fort logiquement, Fontainebleau, château indissociable de l’Empire, se focalise sur cette période.
Aux éléments de la dation s’ajoutent alors des dépôts concédés par de grandes institutions, notamment le Louvre et le Mobilier national, ainsi que des pièces provenant du fonds palatial de Fontainebleau. Le tout complété par quelques acquisitions. Le musée prend place dans l’aile Louis XV ; un choix évident, car ces salles ont conservé le décor réalisé lors de la campagne d’aménagement du château voulue par Napoléon Ier. Le musée ouvre en 1986 sur deux étages, mais connaît un premier coup dur neuf ans plus tard lorsqu’il est victime d’un cambriolage. Pour des raisons de sécurité, les objets sont ensuite regroupés sur un seul niveau. La présentation des collections laisse alors à désirer et le propos scientifique du parcours est quasi inexistant. Tout comme la médiation. L’établissement s’apparente à un musée dynastique où les pièces sont admirées, au mieux comme des souvenirs historiques, au pire comme des reliques.
L’intelligente reconfiguration dont il vient de bénéficier a heureusement permis de corriger le tir. S’il évoque toujours la trajectoire des différents membres de la famille impériale, le parcours rompt totalement avec un certain fétichisme, et exhorte au contraire la beauté des pièces tout en explicitant leur importance historique. La reconfiguration des salles a toutefois épargné quelques espaces qui avaient bien vieilli comme la très efficace reconstitution de la tente de l’Empereur. Cette immersion sur le champ de bataille offre au demeurant une agréable respiration dans un circuit passionnant et roboratif. Les nouvelles vitrines sont en effet nettement plus denses en œuvres et en cartels. Véritable travail d’orfèvre, la muséographie offre des dialogues pertinents et limpides sur le fonctionnement du système Napoléon. Cet accrochage, qui fait la part belle à la transversalité, offre une contextualisation essentielle ; des clefs de lecture indispensables pour comprendre les références culturelles et les codes intellectuels et esthétiques auxquels obéissaient les artistes.
La première salle donne le ton. Une remarquable vitrine très didactique explique, œuvres à l’appui, que Napoléon tient son pouvoir du sabre. Sur quelques mètres carrés, cette démonstration rassemble une quantité inouïe de chefs-d’œuvre et d’objets extrêmement précieux dont la feuille de laurier tombée de la couronne, le livre du sacre, ou encore l’épée qu’il portait à son côté, le seul insigne impérial de cette cérémonie à avoir subsisté jusqu’aujourd’hui. Ces pièces mythiques dialoguent avec d’autres œuvres moins connues et, pour certaines, acquises récemment, comme Le Destin du sculpteur Moitte ou L’Allégorie de l’élévation à l’Empire, une superbe miniature sur ivoire à l’iconographie unique.
Depuis une dizaine d’années, le musée mène en effet une offensive politique d’acquisition. Cet élan a permis d’étoffer les collections d’une centaine de pièces, achetées ou reçues en don. Les résultats de cette stratégie sont surtout visibles dans la salle dédiée aux fastes de la table impériale. On peut, entre autres, y admirer une rareté, le sucrier « Aigle » du service de Cambacérès ; le seul de ce type figurant dans les collections nationales. La souscription « Des Sèvres de Fontainebleau », lancée en 2016, a par ailleurs permis l’acquisition de quatre lots de porcelaines de Sèvres classés « Trésor national », dont l’exceptionnel Cabaret des princesses de la famille impériale.
Ce nouveau souffle pour le musée devrait se poursuivre dans les années à venir. D’ici à 2023, le château espère redéployer complètement le musée sur deux étages, comme lors de son ouverture. Dans cette optique, l’établissement va lancer une nouvelle campagne de souscription, et va par ailleurs prospecter auprès de grandes institutions afin de solliciter d’importants dépôts, cohérents avec son nouveau projet scientifique et culturel. Pour ces négociations à venir, le remarquable nouveau parcours sera assurément un argument de poids pour convaincre les potentiels dépositaires.
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Le Musée Napoléon Ier, à Fontainebleau
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°710 du 1 mars 2018, avec le titre suivant : Le Musée Napoléon Ier, à Fontainebleau