Les sociétés de droits d’auteur militent pour cette forme de rémunération des artistes.
PARIS - L’École nationale supérieure des beaux-arts a accueilli le 17 septembre le séminaire du Cipac (Congrès interprofessionnel de l’art contemporain) sur les « Relations contractuelles avec les artistes, pratiques et perspectives des droits d’auteur dans le milieu professionnel de l’art contemporain ». Il ressort des débats que les institutions qui produisent et commandent des œuvres ont des approches variées quant à la contractualisation de leur relation avec les artistes.
La pratique semble marquée par le plus grand manque de formalisme. Ainsi, Hervé Loevenbruck, galeriste, n’exige pas d’écrit avec les artistes qu’il représente. Il s’estime suffisamment protégé par un engagement moral, verbal, prévoyant une exclusivité territoriale et une répartition du prix de vente, généralement à 50/50, après remboursement des coûts éventuels de production. La position de Xavier Douroux, codirecteur du Consortium de Dijon, est similaire, mais sa justification beaucoup plus « militante » : son centre d’art participe à la production d’œuvres ou d’expositions, par des investissements, des efforts et une réflexion poussée de concert avec l’artiste, réflexion qu’il voit comme une « coopération des cerveaux ». Selon lui, cette implication rend la structure, au moins moralement et économiquement, coauteur des créations.
La reconnaissance par l’artiste de cette implication et la relation de confiance qui doit en résulter excluent toute nécessité d’un écrit. D’un point de vue économique, il nous semble que cette intervention pourrait être comparée à celle du producteur d’un film, lequel bénéficie d’une présomption légale de cession de droits. Ces deux intervenants reconnaissent toutefois établir exceptionnellement des contrats, à la demande des institutions avec lesquelles ils travaillent. À l’inverse, Josiane Tigrinate, administratrice du FRAC (Fonds régional d’art contemporain) Provence-Alpes-Côte d’Azur, établit systématiquement des contrats-types détaillés qui prévoient les cessions de droits d’auteur directement nécessaires à l’exploitation des œuvres par cette institution (droits d’exposition et de reproduction à titre gratuit, à des fins culturelles dans le cadre du FRAC). La pratique de cette dernière est plus en ligne avec le caractère contraignant du droit d’auteur.
En effet, comme l’a rappelé Me Thomas Rabant, cette législation impose un grand formalisme aux cessions de droits qui sont toujours interprétées en faveur des auteurs. À défaut d’écrit, il n’y a pas de cession. C’est pourquoi l’acheteur d’une œuvre pourrait, théoriquement, se voir interdire de la reproduire ou de l’exposer. En effet, la loi distingue la propriété du support matériel d’une œuvre (la toile) et la titularité des droits d’auteurs, dont fait partie le droit d’exposition. Ainsi, la jurisprudence a récemment fait droit à la demande d’un photographe d’interdire l’exposition de ses clichés (C. cass, 6 nov. 2002). De plus, la Fédération des réseaux et associations d’artistes plasticiens et plusieurs syndicats d’artistes ont lancé une campagne en faveur de l’application effective de ce droit. Or il est évident que la production et l’achat d’œuvres par des institutions ont pour but premier de les exposer. En pratique, souligne Jean-Marc Gutton, directeur général de l’ADAGP (Société des auteurs dans les arts graphiques et plastiques), les artistes s’opposent rarement aux expositions de leurs œuvres, véritables jalons dans leur carrière. C’est d’ailleurs l’approche pragmatique que semblent adopter les sociétés de perception de droits d’auteur. À ce jour, elles ne perçoivent qu’exceptionnellement le droit d’exposition, mais ont récemment publié des barèmes qui devraient être appliqués avec mesure. Ainsi, ce droit ne serait pas réclamé aux galeries et sociétés de ventes.
En revanche, les expositions par des mécènes, entreprises ou particuliers, parce qu’elles auraient pour objectif d’accroître l’image de marque de ces derniers, donneraient lieu à rémunération. Enfin, selon Olivier Brillanceau, directeur général de la SAIF (Société des auteurs des arts visuels et de l’image fixe), les organismes à but non lucratif (associations, musées, collectivités territoriales) pourraient acquitter ce droit en application du barème ou par la négociation de forfaits au cas par cas (voir tableaux ci-dessous).
Ce séminaire met en relief l’inquiètude des acteurs de l’art contemporain vis-à-vis des conséquences du droit d’auteur sur leur activité. Ces débats aideront Serge Kancel, inspecteur général de l’administration des affaires culturelles, présent lors des débats, à proposer des solutions satisfaisantes pour tous dans le rapport sur le droit d’exposition qu’il prépare pour la fin de l’année.
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Le droit d’exposition au centre du débat
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°201 du 22 octobre 2004, avec le titre suivant : Le droit d’exposition au centre du débat