Devant la commission des affaires culturelles, les représentants des artistes ont dressé un état des lieux sans fard des conditions d’emploi.
PARIS - « Il était temps que l’on vous auditionne » : l’exclamation a dû plaire aux représentants des professionnels des arts visuels réunis autour d’une table ronde « Arts plastiques » le 8 novembre à l’Assemblée nationale. Prononcée par le président de la mission d’information de l’Assemblée nationale sur les conditions d’emploi dans les métiers artistiques, la phrase ne manque pas de sel.
Il sera surtout question du régime de l’intermittence dans les futures auditions des députés (environ 90 auditions sont prévues à l’agenda de la commission), qui devraient aboutir à des propositions de réforme de leur régime d’assurance chômage, un vœu de la ministre de la Culture, Aurélie Filippetti. Mais pour leur premier jour de travail, les parlementaires se sont penchés sur les conditions de travail des artistes plasticiens : à voir la tête du rapporteur Jean-Patrick Gille à la fin de cette première journée, la tâche s’annonce complexe.
Commissions paritaires
Pour le sociologue Pierre-Michel Menger, directeur d’études au CNRS, venu définir un cadre théorique, les métiers artistiques représentent 2 % de la population active, et sont répartis dans des nomenclatures d’emploi très disparates. Un secteur en forte croissance depuis trente ans, mais où le facteur de l’incertitude et les fortes inégalités règnent. Du côté du Département des études, de la prospective et des statistiques (DEPS) du ministère de la Culture, même son de cloche, plus chiffré : les artistes plasticiens sont majoritairement non salariés (79 %), et travaillent de 40 à 46 heures par semaine pour un revenu annuel médian net en 2009 de 13 700 euros, beaucoup moins que le revenu médian net des salariés français (qui s’élève à 19 080 euros pour la même année).
Lors de la table ronde, ces chiffres ont pris une réalité plus concrète avec les demandes et revendications des fédérations et syndicats des professionnels des arts visuels. La Fédération des réseaux et associations d’artistes plasticiens (Fraap) et l’Union des syndicats et organisations professionnelles des arts visuels (Usopav), défendant des positions similaires, ont fait part de leurs propositions pour améliorer les conditions de l’emploi dans le domaine artistique.
La Fraap a avancé pas moins de huit propositions, parmi lesquelles la création de commissions paritaires impliquant les artistes dans les instances de décision et d’expertise, notamment sur les attributions d’aide et les commissions d’achat dans les FRAC (Fonds régionaux d’art contemporain) ou les FRAM (Fonds régionaux d’acquisition pour les musées). D’après Bernard Morot-Gaudry, président de l’Usopavv, l’absence des artistes dans ce type de commission est une anomalie : « Personne n’imagine qu’il n’y ait pas de gens de cinéma dans les commissions d’attributions d’aide du Centre national du cinéma, mais pour les artistes, cela ne paraît pas si évident. » Seul le 1 % artistique possède déjà des commissions paritaires.
Une convention collective
Autre grand chantier à l’ordre du jour des associations, le respect des droits d’auteur pour garantir des rémunérations minimales aux artistes. Le droit de présentation publique n’est jamais appliqué pour les expositions d’art, « alors que tout le monde estime normal de rémunérer un comédien, un musicien, un danseur quand ils interviennent dans un espace public non commercial », note Laurent Moszkowicz, président de la Fraap.
Un point de vue tempéré par Catherine Texier, vice-présidente de la Fédération des professionnels de l’art contemporain (Cipac), pour qui le paiement de ce droit d’auteur, « en l’état actuel des budgets, est inimaginable pour les réseaux institutionnels ». Elle ajoute qu’un rapport d’information comprenant une simulation d’impact a été remis au ministère en 2005, sans avoir été rendu public depuis.
Depuis quatre ans, les professionnels attendent également la création d’une convention collective applicable dans les arts plastiques, une promesse de l’ancien ministre de la Culture Frédéric Mitterrand renouvelée par Aurélie Filippetti. « Il y a une arriération sociale profonde du secteur », observe Katerine Louineau, de l’Usopav, qui rappelle que les artistes ne bénéficient pas de la reconnaissance des accidents du travail ni des maladies professionnelles, « alors même que le régime de sécurité sociale des artistes est excédentaire ».
Si le cadre législatif existe pour les artistes, la mise en place d’un cadre technique paraît plus que nécessaire donc pour réguler les conditions d’emploi : le rapporteur de la mission d’information a du travail devant lui.
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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°379 du 16 novembre 2012, avec le titre suivant : Profession artiste