CHAGNY - L’exposition de Pascal Convert à la galerie Sparta de Chagny n’est pas, comme trop d’autres, un rassemblement répétitif de production récente.
Installée dans un ancien bâtiment industriel, elle ressortit plutôt à l’aménagement d’espace par des fonctions mentales, de la prise de possession par des outils de préhension, et non par des installations. L’ensemble des pièces, bien que discret, est complexe et joue des diverses morphologies du regard : la projection, le basculement, le retournement, le miroir, l’inversion. La pièce la plus importante, qui donne son titre à l’exposition, Kechiki (paysage) est un grand panorama de verre gravé, de 18 m de long, dans lequel sont reportés les graphismes subtils de plantes aquatiques sur un marécage – photographiés lors d’un séjour au Japon – dont les reflets dans le plan d’eau fournissent une symétrie désespérante. Fonction optique de ce "Grand Verre" plus que fonction architecturale de ce qui n’est ni cloison ni tableau, structuration du regard actuel par rapport à la "vue" originelle, acceptée, prise, assumée, traitée, projetée, redistribuée.
On subit les multiples pertes du regard dans le temps du transfert, dans l’agrandissement photographique, dans le traitement des formes par l’ordinateur, dans la masse transparente du verre, et on en rattrape au vol de beaux restes fugitifs et démesurés, au détour d’un reflet, dans un mince fantôme translucide. L’effet de basculement est repris dans une pièce au sol, dalle de marmorite noire gravée d’effets de trouble aqueux, de moirages opalescents qui ont oublié d’où ils viennent, de quelles formes évanescentes ils projettent encore l’ombre grise.
D’autres pièces, plus réduites, qui ponctuent l’espace, exhibent aussi ces contradictions réciproques de la vision et de la forme mentale que Pascal Convert s’évertue à geler en forme d’objets. Dans cette première manifestation de son travail depuis la grande présentation personnelle du Capc de Bordeaux en 1992, on retrouve dans la continuité, une élévation de murs d’appartement rabattue au sol, une projection optiquement dérangeante d’une rampe d’escalier de l’une de ces villas abandonnées de la côte basque qui le hantent encore. Mais surtout, un certain nombre de formes étranges, d’objets introuvables et impossibles, engendrés par empreinte et par moulage : moulage de surface de tableaux peints jadis par son père, à la surface laquée ou graphitée, et d’autres moulages qui sont tous des fragments corporels, non seulement isolés les uns des autres, mais sectionnés, coupés dans leur intégrité de fragment.
Moulages de rides de son propre visage ramenés dans une presque bidimensionnalité ; moulages d’avant-bras, de jambes et de genou (Sculpture non attribuée), en porcelaine de Sèvres, dont on peut voir aussi l’intérieur, comme si en fait on avait transféré l’épaisseur de la peau dans un autre matériau dur, noble et blanc. Une cloche en porcelaine (comme celles, en verre, qui protégeaient les madones d’appartement) retient, à l’intérieur, le moulage de la tête de l’artiste, presque inaccessible au regard. Et pour ces pièces, le fameux émaillage bleu de Sèvres est toujours à l’intérieur ! Où l’on comprend bien que voir l’extérieur des formes, c’est aussi leur imaginer un intérieur, une présence invisible que Pascal Convert nous laisse palper dans l’infra-mince sensible de la surface, en nous faisant circuler par osmose entre le dedans et le dehors.
Pascal Convert, galerie Pietro Sparta, 30, rue de Chaudenay 71150 Chagny. Tél : 85 87 27 82. Jusqu’à la fin de l’été.
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Le dedans est aussi un dehors
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°3 du 1 mai 1994, avec le titre suivant : Le dedans est aussi un dehors