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L’art tribal courtisé à Paris

Le Parcours des mondes va-t-il cannibaliser le salon de l’hôtel Dassault ?

Par Roxana Azimi · Le Journal des Arts

Le 11 octobre 2002 - 1001 mots

La sérénité de la cinquième édition du Salon international d’art tribal qui s’est tenue du 19 au 22 septembre à l’hôtel Dassault, a été bousculée par le nouveau "Parcours des mondes", un programme de balades chez les marchands d’art tribal du quartier de Saint-Germain-des-Prés. Cette concurrence a drainé un public nombreux pour les deux manifestations mais a suscité également les hésitations d’une clientèle fortement sollicitée.

PARIS - Malgré une bonne fréquentation, de l’ordre de 10 000 visiteurs, entre le 19 et le 22 septembre à l’hôtel Dassault, le Salon international d’art tribal n’a pas connu les retombées commerciales espérées. Après avoir souffert l’an dernier de la défection des collectionneurs américains, il a subi cette fois le contrecoup des autres manifestations et la sévérité accrue des collectionneurs. Sur l’ensemble du Salon, les transactions ont davantage porté sur les petites pièces que sur les grandes. Certains marchands affichent une légère morosité, d’autres se déclarent globalement satisfaits. Claudie Lebas-Argosti, de la galerie L’Accrosonge, considère le Salon “homogène en termes de qualité et commercialement positif”. La galerie Valluet-Ferrandin, fidèle depuis quatre ans au Salon, a vendu une vingtaine de pièces, la transaction la plus importante s’élevant à 65 000 euros. Yann Ferrandin juge le niveau global du Salon plutôt moyen, sans vouloir pour autant se désister pour une prochaine édition. La galerie Wayne Heathcote, qui participe aussi bien au Salon d’art tribal qu’au Parcours des mondes, se déclare satisfaite malgré la faiblesse des transactions. “Il y a beaucoup trop de choses qui se passent en même temps à Paris. Les gens sont désorientés. Les retombées viendront sans doute après”, estime le galeriste qui se limitera l’année prochaine au seul Parcours. Le marchand belge Pierre Dartevelle est satisfait d’avoir négocié les pièces majeures qu’il proposait, à savoir un masque Kiwebwo provenant de la collection Billy Wilder et une plaque du Bénin datant du XVIe siècle. Les galeries Maine Durieu et Flak déplorent le parasitage provoqué par le Parcours. “J’ai fait les deux car ma galerie est dans le périmètre et il fallait jouer le jeu, explique Maine Durieu. Mais, autant j’ai bien vendu sur le Salon, où j’ai rencontré trois gros collectionneurs que je ne connaissais pas, autant dans ma galerie je n’ai rien vendu et rencontré seulement les gens que je connaissais déjà.” Édith Flak, qui, n’était-ce cette concordance de date, aurait volontiers participé au Parcours, a vendu principalement des petits objets sans trouver d’acquéreur pour sa pièce majeure, le Moaï Kava Kava de l’île de Pâques.

Coup d’essai à Saint-Germain-des-Prés
Parallèlement au Salon, dans les galeries de Saint-Germain-des-Prés, l’enthousiasme était au rendez-vous. Renaud Vanuxem, dont le prix des objets variaient de 5 000 à 10 000 euros, a trouvé preneurs pour une douzaine de pièces. Il juge la fréquentation excellente et l’expérience positive. Même son de cloche chez Anthony Meyer, farouche pourfendeur des salons sectoriels. “Dans ce type de salon, on trouve une concentration des plus détestables pratiques de marchands. Je ne veux pas être tiré vers le bas par de mauvaises galeries et leur donner le bénéfice de ce que j’ai pour les tirer vers le haut”, tranche-t-il. La vision de sa galerie clairsemée d’objets, en fin de Parcours, témoigne de l’intérêt toujours vif pour l’art océanien. Les galeristes ont retrouvé leurs habitués venus en force, mais peu de nouveaux clients. Johann Levy s’attarde sur la bonne ambiance de la manifestation, même si la multiplicité des évènements rendait le commerce difficile. Il a néanmoins cédé une effigie funéraire Konso qu’il présentait pour 10 000 euros. La galerie Bernard Dulon, nouvellement installée rue Jacques Callot, a suscité l’événement avec la collection Arman. Huit pièces importantes ont trouvé preneur “surtout grâce à la proximité de la Biennale des antiquaires”. Cette même proximité de calendrier a joué en faveur des œuvres exceptionnelles proposées par la Pace Primitive. Le directeur de la galerie, Carlo Bella, a vendu cinq pièces majeures à de nouveaux clients. Le jour du vernissage, un collectionneur américain a emporté le superbe masque Ijo du Nigeria qu’il proposait pour 200 000 dollars (200 490 euros). Le marchand compte revenir sur le Parcours en proposant à nouveau un dialogue avec son compère Marcel Nies, le spécialiste des arts asiatiques avec lequel il partageait pour l’occasion son espace d’exposition.

Dans ce marathon de cinq jours, le Salon d’art tribal a laissé un arrière-goût mi-figue mi-raisin. Il ne se laissera toutefois pas enterrer par des initiatives concurrentes, qu’il s’agisse du Parcours des mondes ou du nouveau salon de spécialités lancé par le Syndicat national des antiquaires et prévu pour septembre 2003 (lire le JdA n° 153, 30 août 2002). Le commissaire du Salon d’art tribal, Stéphane Carayol, réfléchit déjà à deux options. Fort du Salon d’arts asiatiques organisé l’an dernier, il imagine une foire fédérant une cinquantaine d’acteurs dans des spécialités non occidentales, avec le palais de Chaillot en toile de fond. L’autre éventualité serait de conserver la mouture du Salon d’art tribal en rajoutant une quinzaine d’autres participants. Il faudra toutefois être plus intransigeant sur la qualité des participants et corriger quelques erreurs de casting. Bien que l’hôtel Dassault semble exigu pour accueillir une manifestation agrandie, il n’est pas pour autant évacuée. Pendant que le Salon fourbit ses armes pour l’année prochaine, le Parcours des mondes jouit de la cote de sympathie des collectionneurs et des marchands invités. Le comité d’organisation s’est déjà engagé dans la quête diligente d’espaces d’accueil pour inviter une dizaine de nouvelles galeries étrangères. Les maîtres d’œuvres souhaiteraient également introduire davantage d’art asiatique. Ce coup d’essai n’a pas connu de couacs majeurs, juste quelques inégalités aisément rectifiables. La sélection des prochains exposants sera encore plus sévère. Si les marchands étrangers répondent volontiers à l’appel du Parcours dont le modèle n’est autre que Bruneaf, la manifestation à succès qui se tient depuis treize ans au mois de juin à Bruxelles, les grands pontes français se partagent entre le scepticisme un brin condescendant de Daniel Hourdé et l’encouragement amusé d’Alain de Monbrison. Avec ou sans leur adhésion, l’événement a de beaux jours devant lui.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°156 du 11 octobre 2002, avec le titre suivant : L’art tribal courtisé à Paris

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