En septembre dernier, était dispersée à Drouot la collection de Patrick Liebermann de tsubas japonais – gardes ouvragées des sabres. Le marché de ces pièces d’orfèvrerie se maintient toujours.
Le 20 septembre, la maison Tessier & Sarrou dispersait à Drouot un ensemble de tsubas japonais patiemment collectionnés par Patrick Liebermann (1948-2023) pendant cinquante ans. Composée de 220 pièces couvrant 700 ans d’histoire du Japon – estimées pour la plupart entre 1 000 et 3 000 euros –, la collection a rapporté 392 678 euros.Ces gardes souvent luxueusement ouvragées des sabres des samouraïs, fixées entre la poignée et la lame afin d’empêcher la main de glisser vers la partie tranchante, forment à elles seules des œuvres d’art. Apparue à l’époque de Nara ou Heian, au VIIIe ou IXe siècle, cette pièce de protection est d’abord très simplement ouvragée. L’art du tsuba se développe vraiment entre la période Muromachi (1336-1573) et la fin de l’époque Edo (1603-1868). Au fil du temps, les tsubas vont devenir un véritable ornement, relevant autant de l’orfèvrerie que de la forge. Prétexte à une ornementation luxueuse où les artisans rivalisaient de créativité, les tsubas permettaient ainsi au samouraï de faire valoir son rang. À la fois guerrier et esthète, chaque samouraï pouvait posséder plusieurs tsubas et les disposer sur le sabre au gré des circonstances. Aussi, la production a été à la fois abondante et diversifiée, donnant lieu à plusieurs styles et écoles aujourd’hui clairement reconnues, comme celle de Goto ou bien d’Umetada. En fer, cuivre, argent, or ou différents alliages, d’un diamètre de 6 à 9 cm, leurs formes sont variées – rondes le plus souvent mais également quadrilobées ou en forme de mont Fuji, à l’instar de celle de la collection Liebermann, milieu de l’époque Edo, signée Kishu et adjugée 1 560 euros (est. 400 à 500 €). Ils laissent voir aussi une multitude de décors souvent d’une grande finesse d’exécution – paysages, motifs animaliers, floraux ou thèmes faisant référence à l’histoire, aux légendes ou aux arts.Depuis la réouverture du pays à l’époque Meiji (1868-1912), au Japon, mais également en Occident, des collections de tsubas, parfois très importantes, ont été rassemblées par des voyageurs, des marchands d’art, des industriels ou de hauts dignitaires en poste au pays du soleil levant.
22 750 €
1_tsuba - Estimé de manière très raisonnable, soit de 800 à 1 000 euros, ce tsuba issu de la collection Liebermann, bien signé, très décoratif, a pulvérisé son estimation de départ et obtenu le prix le plus élevé de la vacation. Par le passé, des collections importantes de tsubas ont fait date, à l’instar de celle de René Lecuir chez Piasa en 2012, la collection Randon (toujours chez Piasa) en 2005 ou encore celle de la baronne Gérard chez Ader Picard Tajan, en 1989, où plusieurs lots avaient atteint des records (autour de 250 000 francs). Les tsubas qui proviennent d’anciennes collections (Dr Mène, Paul Corbin, Hayashi, Haviland…) valent souvent plus cher grâce à ces noms bien identifiés des collectionneurs d’aujourd’hui.
Vendu chez Tessier & Sarrou, 20 septembre 2024.
2_tsuba - La collection Liebermann avait notamment l’avantage de rassembler des tsubas « en bon état de conservation, ce qui est fondamental pour ce genre d’objets », a souligné le marchand spécialisé en armures japonaises, Jean-Christophe Charbonnier, qui appréciait ce tsuba à décor de corbeaux. « Elle imite la peinture. On oublie que c’est du métal. » Victime de leur succès, les tsubas n’ont parfois jamais été montés et sont restés des objets purement décoratifs existant indépendamment de ce pour quoi ils avaient été faits. Pour autant, les plus prisés sont ceux qui sont à la fois un chef-d’œuvre de maîtrise, qui conservent un sens historique et une forme ergonomique.
Vendu chez Tessier & Sarrou, 20 septembre 2024
3_tsuba - Cette garde de sabre est typique de l’école Soten, fondée à Kyoto par Soheishi – l’école a ensuite déménagé à Hikone en 1750. Ses œuvres sont presque toujours en fer, avec les parties nues incrustées d’argent ou de cuivre. Les motifs des vêtements et les détails botaniques minutieux du paysage sont richement recouverts d’or. Ses sujets favoris étaient tirés de l’Histoire et des légendes chinoises, ou représentaient des scènes de bataille japonaises.
Galerie Espace 4, Paris-6e.
4_tsuba - C’est à partir du XVIe siècle que les artisans spécialisés dans la fabrication des tsubas commencent à apposer leurs noms, jusque-là inconnus, sur leurs créations et se regrouper en écoles qui, pour la plupart, se maintiendront jusqu’au XIXe siècle. À la période Edo (1615-1868), il existe une trentaine d’écoles. L’une des plus anciennes et reconnues est l’école Umetada, fondée par Umetada Myoju (1558-1632) dont les maîtres et disciples sont considérés comme les meilleurs fabricants d’épées de leur époque. Le style habituel de leurs tsubas est une combinaison de ciselures et d’incrustations ou de marqueterie, tous les métaux et alliages étant utilisés.
Vendu chez Bonhams, 20 mars 2012.
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L’art recherché des tsubas des samouraïs
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°780 du 1 novembre 2024, avec le titre suivant : L’art recherché des tsubas des samouraïs