NEW YORK / ETATS-UNIS
La manifestation new-yorkaise joue résolument, et avec succès, la sécurité avec des propositions classiques et consensuelles.
New York. Aux États-Unis, l’art contemporain dispose de trois foires majeures ; Art Basel Miami Beach en décembre, l’Armory Show en mars et Frieze New York en mai. En comparaison de ses cadettes, l’Armory Show, qui a fermé les portes de sa 25e édition le dimanche 10 mars, paraît plus sage.
À l’Armory on voit peu d’accrochages conçus par des commissaires. Afin d’attirer le plus large public possible, les galeries présentent pour la plupart des œuvres classiques. Les grands marchands sont majoritairement venus avec une sélection d’artistes de leur galerie. Thaddaeus Ropac (Paris, Pantin) proposait un stand sans surprise, avec une toile de Robert Rauschenberg en devanture, une sculpture de Tony Cragg au côté d’une huile sur toile de Georg Baselitz, ainsi qu’un format en longueur d’un visage sur fond rose par Alex Katz. La Galerie Stephen Friedman (Londres), qui à la foire Frieze London exposait le Britannique David Shrigley, a préféré à New York montrer une sculpture d’Yinka Shonibare ou les huiles géométriques de Manuel Espinosa. Même stratégie pour Emmanuel Perrotin qui n’avait apporté ni les œuvres exigeantes de Laurent Grasso ni les œuvres pop du Japonais Takashi Murakami, au profit d’un stand assez discret composé des bronzes d’Iván Argote et des sculptures murales aux tons pastel d’Artie Vierkant.
Pour Mäelle Ebelle, directrice à Luxembourg de Ceysson & Benetière, spécialiste du groupe Supports-Surfaces, « il y a [à l’Armory Show] des galeries dont nous nous sentons proches ». La galerie présentait des œuvres de son artiste fétiche Claude Viallat, qu’elle souhaite promouvoir sur le sol états-unien. L’impression générale était renforcée par la présence d’une section d’art moderne – contrairement à Frieze – où étaient visibles, entre autres, des toiles de Fernando Botero, d’Enrico Castellani ou de Serge Poliakoff. Des enseignes de la section principale proposaient également des toiles lacérées de Lucio Fontana et d’autres brûlées d’Alberto Burri (Mazzoleni, Londres, Turin).
Mais le classique n’est pas forcément synonyme de qualité, comme en témoignaient les estampes issues de la série des peintures de points de couleurs (« Lessons in Love ») de Damien Hirst (Paragon, Londres), ou la sculpture très kitsch composée de jouets d’Anthea Hamilton (Kaufmann Repetto, New York). À ces insuffisances s’ajoute parfois l’absence de ligne directrice comme dans les sections « Insight » et « Focus », délocalisées à la dernière minute pour des raisons de sécurité sur le pier 90 où se mêlait la section d’art moderne et contemporain.
Cause ou conséquence, certains grands marchands new-yorkais qui ont déserté au fil des années comme Paula Cooper, Marian Goodman ou Gladstone n’étaient toujours pas revenus. D’autres galeristes new-yorkais réputés tels David Zwirner ou Hauser & Wirth avaient privilégié la foire Adaa, organisée par The Art Dealers Association of America, qui se tenait une semaine auparavant.
Cependant quelques stands affichaient des propositions artistiques élaborées telles que l’installation de Leo Villareal à la Pace (New York). De même, au bout du quai principal, la section « Present » méritait franchement le détour. Cette dernière proposait des solo ou duo shows pointus, à l’exemple, à la Tiwani Contemporary (Londres), de Virginia Chihota explorant dans ses toiles les questions d’identité et d’appartenance des femmes noires, ou des peintures mystiques et colorées de Naudline Pierre en dialogue avec les sculptures de Fay Ray questionnant le fétichisme (Shulamit Nazarian, Los Angeles).
Certains marchands avaient opté pour le salon Independent, programmé simultanément à l’Armory Show et dont la ligne se veut plus innovante. « Independent et Frieze ont plus en commun, et nous nous sentons plus proches de ces foires qui sont un peu plus alternatives et expérimentales. Le public que nous voyons à Independent, nous le revoyons à Frieze », explique la galeriste londonienne Maureen Paley. Même démarche pour des galeries new-yorkaises comme Canada ou encore Derek Eller Galerie.
« L’Armory Show n’est pas réputée pour ses stands pointus mais le commerce y est très bon, nous avons vendu l’intégralité de notre stand », soulignait Antoine Levi (Paris), qui participait pour la première fois dans la section « Present », avec les œuvres de Louis Fratino et de Zoe Williams (de 2 900 à 8 000 dollars). Il n’était pas le seul à saluer le bon niveau du commerce. La Galerie Les Filles du Calvaire a vendu la pièce maîtresse de son stand, une toile froissée de Steven Parrino (700 000 dollars) quand Albertz Benda (New York) a cédé la « quasi-totalité du stand ».
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L’Armory Show, une foire très commerciale
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°519 du 15 mars 2019, avec le titre suivant : L’Armory Show, une foire très commerciale