Pays-Bas - Foire & Salon

La Tefaf renoue avec le succès

Par Marie Potard · lejournaldesarts.fr

Le 18 mars 2024 - 911 mots

MAASTRICHT / PAYS-BAS

Après quelques couacs lors des dernières éditions, la Tefaf retrouve sa vitesse de croisière, avec de nombreuses transactions.

Vue de la Tefaf Maastricht 2024. © Loraine Bodewes / Tefaf
Tefaf Maastricht 2024.
© Loraine Bodewes / Tefaf

La Tefaf (The European Art Fair) a refermé ses portes le jeudi 14 mars sur une note très positive. La décoration florale de bon goût, donnant une touche chic à l’ensemble, et un plan clair - même s’il fallait être en forme pour parcourir les 274 stands - ont également participé à sa réussite. Alors que marchands et visiteurs étaient restés un peu sur leur faim l’an passé, les organisateurs se sont démenés pour faire de cette édition un très bon cru. Et finalement, cette version écourtée a fait que les allées n’ont pas désempli avec 50 000 visiteurs.

« Le fait d’avoir raccourci la foire a été bénéfique car nous avons eu du monde tout le temps et revu beaucoup de gens que nous n’avions pas vu depuis le Covid », a commenté Olivier Chenel. Et d’ajouter : « à la réunion des exposants, l’ambiance était bonne, on sentait que tout le monde était content de cette édition et avait vendu ». Même son de cloche avec Philippe Perrin : « ça s’est beaucoup mieux passé que l’année dernière. Les visiteurs étaient plutôt de bonne humeur, disposés à acheter et d’ailleurs, ils ont acheté assez facilement, entre 20 000 et 600 000 euros, dont une paire de bustes en bronze, Mars et Vénus, de Robert Le Lorrain ».

300 directeurs de musées, 650 conservateurs et 40 groupes de mécènes étaient présents - aucune autre manifestation ne peut se targuer d’en rassembler autant. « Les organisateurs de la Tefaf sont très forts pour ça, avec un système d’invitation, revu cette année, qui privilégie les musées et les fondations », explique Mathieu Sismann, qui a d’ailleurs vendu un grand Christ en bronze au musée de Dresde et une Vierge à l’Enfant en terre cuite, vers 1765-1769, attribuée à Pieter Pepers au musée de Bruges. Les œuvres qui se sont bien vendues ? « Celles sans défaut, aussi bien concernant leur état, que leur provenance et leur rareté. Ça, c’est le cocktail gagnant », a précisé le marchand. « Les musées américains sont tous venus et même de très loin, comme celui de Portland », a souligné Oscar Graf, qui a ainsi vendu Sirène et pieuvre, 1900-1901, un plâtre de François-Rupert Carabin, à un musée américain.

Il n’y a vraiment qu’à Maastricht qu’autant d’œuvres multimillionnaires sont exposées, comme Murnau mit Kirche II, 1910, de Kandinsky, proposée chez Landau (Montréal) à un prix avoisinant les 100 M€ ou Tête de paysanne à la coiffe blanche, vers 1884, de Vincent van Gogh, cédée à un musée non européen par la galerie américaine M.S. Rau (4,5 M€). Le marchand a également vendu Les Saules, Giverny, vers 1886, de Claude Monet.

Il n’y a aussi qu’à Maastricht que sont montrées des pièces de provenance plus exceptionnelles les unes des autres, comme deux commodes en vernis Martin, époque Louis XV, vers 1750-1755, estampillées de BVRB, de la collection des ducs de La Rochefoucauld-Doudeauville chez Benjamin Steinitz ou, chez Benappi (Londres), le Mariage mystique de sainte Catherine de Ricci (1523-1590), de Pierre Subleyras, Rome 1745-46, une commande du pape Benoit XIV.

C’est enfin la seule foire au monde où les plus grands noms de l’histoire de la peinture se côtoient : Courbet (Portrait de Mademoiselle Jacquet, 1857, vendu) et Fragonard chez Wildenstein (une suite de quatre putti représentant L’Aurore, Le Jour, Le Crépuscule, La Nuit, provenant du Château de Nointel, Val d’Oise). Frans Hals chez Koetser avec Portrait d’un gentleman, 1625-1626, ou bien de Van Dyck (Portrait d’un moine carmélite) chez Dickinson. « C’était une très bonne année », a déclaré Jean-François Heim (Bâle), il faut dire que la bourse est haute et le dollar aussi ». En plus de la douzaine d’œuvres cédées, il était en train de vendre un grand Puvis de Chavannes (Saint-Lazare, Marie-Madeleine et Sainte Marthe, vers 1876), que plusieurs musées convoitaient (1,4  M€).

Autre tendance de l’édition, plusieurs stands, à l’origine très spécialisés, avaient diversifié un peu leur marchandise. La galerie Demisch Danant (New York), dans l’esprit de la galerie Maison et Jardin en 1968, avait placé, à côté de pièces de design, des tableaux et des meubles médiévaux, à l’instar d’un coffre du XVe provenant de l’Hôtel-Dieu de Beaune. « Cela a permis un plus grand brassage de clients tandis qu’au vernissage, nous avons vu des musées américains alors que d’habitude, ils ne viennent pas sur notre stand », a indiqué Stéphane Danant. Lucas Ratton aussi avait associé plusieurs époques, avec un stand en hommage au goût de Charles Ratton et à ses spécialités, notamment l’art romain et l’art médiéval. « Un mélange pour créer du désir pour les collectionneurs non africanistes ».

La Tefaf reste toujours autant le temple des arts anciens, le secteur moderne et contemporain a d’ailleurs été décevant - ce qui est souvent le cas à Maastricht. « Ce n’est pas une foire essentielle pour l’art contemporain qui en a pléthore, même si les artistes vivants aiment y être présents car elle reste une vitrine pour eux », a confié un marchand d’art contemporain. Plusieurs galeries ont cependant sorti leur épingle du jeu comme celle de Pauline Pavec, qui a vendu la majorité des pièces de son stand, ou la galerie Georges-Philippe & Nathalie Vallois qui a cédé Adam et Eve, 2021, de John DeAndrea à un musée européen. « Moi, ça a été car je n’avais rien laissé au hasard en faisant venir mes clients. Mais c’est vrai que c’est compliqué pour nous depuis qu’il y a Tefaf New York en mai », a confié Benoit Sapiro (galerie Le Minotaure).
 

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