Le galeriste fait un retour sur son parcours et livre sa vision sur l’évolution du marché.
Paris. Le marchand italien de tableaux anciens Maurizio Canesso, installé à Paris, fête les 30 ans de sa galerie. Il donne son appréciation du marché actuel et de son évolution.
Quand j’étudiais l’économie, pour me meubler, j’ai poussé la porte d’un antiquaire et j’ai été fasciné. J’ai commencé à travailler chez lui et quand j’ai compris qu’on pouvait acheter tout ce patrimoine, tout un monde s’est ouvert. Un jour, j’ai acheté un tableau que j’ai rapidement revendu à un avocat, qui est devenu un ami. En 1983, j’ai rencontré le marchand Piero Corsini. Je lui ai proposé un tableau de Carlo Portelli qu’il m’a refusé mais que j’ai vendu au Musée des offices, à Florence. Un an plus tard, je suis parti à New York. J’y suis resté quatre ans, mais je voulais revenir en Europe. Alors Piero Corsini m’a conseillé d’aller dans une capitale internationale, soit Londres, soit Paris. J’ai choisi Paris, plus proche de l’Italie. Il faut aussi dire que les Français sont très italophiles et m’ont bien accueilli. En 1994, j’ai ouvert ma première galerie, rue Rossini, puis en 2004, nous avons déménagé rue Laffitte. J’ai rapidement rencontré Véronique Damian, avec qui je travaille depuis presque trente ans.
Internet a tout bouleversé. Même si j’ai traversé plusieurs crises : en 1994, 1998, 2008, 2015, le Covid, le facteur technologique a changé la donne ! Les gens ne voyagent plus de la même manière, ils ne chinent plus de la même manière. En revanche, j’ai toujours été dans un commerce sans vitrine, en étage ou au rez-de-chaussée mais non visible depuis la rue. J’apprécie de travailler tranquillement. Pour venir nous voir, il faut en faire la démarche, il faut faire un effort. Aussi, nous menons un vrai travail de démarchage et de promotion, d’où des expositions – pratiquement une tous les deux ans – et notre participation aux salons. J’ai une clientèle privée mais aussi institutionnelle, qui compte pour un tiers.
Il y a un dynamisme nouveau que j’ai ressenti à la Foire de Maastricht, en mars. Le marché se porte bien quand la qualité est là. En revanche, il y a peu de collectionneurs régionaux, contrairement à avant.
La peinture italienne, les différentes écoles, suivent les cours du marché : Mantoue, Venise, Florence… Jusqu’en 2008, j’avais compté jusqu’à 90 fondations bancaires qui achetaient de l’art local car – c’est inscrit dans leurs statuts –, elles peuvent consacrer une partie de leurs bénéfices à l’achat d’œuvres d’art. Mais avec la crise de Lehman Brothers, elles se sont retrouvées sans argent et ont périclité. Je vois que cela reprend un peu en ce moment mais cela a pris quinze ans.
Nous avons perdu une partie de la clientèle locale, mais heureusement, nous avons conservé des clients très importants, qui achètent des œuvres majeures. Notre clientèle est essentiellement européenne – les Américains représentant 10 à 20 %.
C’est vrai qu’il y a beaucoup de barrières pour la protection des biens culturels. La France a un système moins contraignant que l’Italie – jusqu’à 300 000 €, il n’y a pas besoin de certificat d’exportation. L’Italie, elle, protège énormément son patrimoine car l’administration peut vous empêcher de vendre une œuvre à l’étranger, sans compensation financière. Aussi, en 2021, nous avons transféré notre galerie de Lugano (Suisse) à Milan. Nous y montrons les tableaux que nous ne pouvons pas apporter en France. Et puis en France, le ministère de la Culture alloue un vrai budget aux musées : je vends environ un tableau par an à une institution.
De manière générale, les œuvres vénitiennes du XVIe siècle se vendent bien, tout comme celles de la Renaissance florentine. Et plutôt les sujets profanes que religieux.
Avec une exposition rétrospective. Y sont notamment rassemblées des œuvres qui n’ont jamais été montrées en France, comme un Saint Jean-Baptiste dans le désert, de Tanzio da Varallo, Les Musiciens d’instruments à vent, de Bernardo Strozzi ou encore Adoration des bergers, du Maître de l’Annonce aux bergers.
En tout, 22 tableaux, la majorité conservée en mains privées, sont exposés – une quinzaine à Paris et le reste à Milan.
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Le marchand de tableaux italiens Maurizio Canesso raconte ses 30 ans de carrière
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°634 du 24 mai 2024, avec le titre suivant : Maurizio Canesso, galeriste : Le marchand de tableaux italiens raconte ses 30 ans de carrière