Pour pérenniser son domaine normand, le décorateur Jacques Garcia se sépare de 75 chefs-d’œuvre des arts décoratifs français. Si l’art ancien n’a plus autant la cote, le mobilier et les objets d’art de provenance royale, eux, font des étincelles.
Collectionner - En juin dernier, la vente Hubert de Givenchy, qui recelait plusieurs trésors du genre, avait fait recette chez Christie’s, tout comme la dispersion de l'Hôtel Lambert chez Sotheby’s, une poignée de mois plus tard. Et, sans doute, la collection Jacques Garcia, qui s’apprête à passer sous le feu des enchères chez Sotheby’s, suivra le même sort. Acquis par l’architecte d’intérieur et décorateur en 1992, le château du Champ de Bataille, édifié à partir de 1651 pour Alexandre de Créqui par Le Vau, entouré de jardins de Le Nôtre, est le projet de toute une vie. Collectionneur invétéré, c’est ce lieu que le célèbre décorateur français a choisi pour abriter sa collection de meubles et d’objets provenant des ventes révolutionnaires. Il lui aura fallu trente ans pour redonner tout son lustre au château qui, aujourd’hui, accueille plus de 20 000 pièces (dont près de 15 000 livres dans la bibliothèque), meubles, tableaux et objets d’art des XVIIe, XVIIIe et XIXe siècles. La plupart d’entre eux ont une provenance royale et ont été réalisés par les plus grands ébénistes de leur temps, à l’instar de Gaudreaus, Œben, Weisweiler ou encore Jacob. Avec de telles provenances, les prix flambent. C’est ainsi qu’une commode de la chambre de Louis XV au château de Fontainebleau, livrée en 1754 par Gilles Joubert, s’est vendue 1 million d’euros en 2020 ou qu’une paire de marquises de Tilliard, d’époque Louis XVI, livrées pour Mesdames Adélaïde et Victoire au château de Bellevue, a été adjugée 3,6 millions chez Sotheby’s en octobre dernier. Désormais, le chantier est terminé et il faut envisager la suite. Aussi, « les fonds récoltés par la vente iront à la création d’une fondation qui aura pour objectif d’assurer la pérennité du Domaine de Champ de Bataille », explique Louis-Xavier Joseph, responsable de la vente chez Sotheby’s. La vacation, dont l’estimation est comprise entre 8,9 et 13,7 millions d’euros, s’oriente exclusivement vers le mobilier, les sculptures et les objets d’art ainsi que vers une sélection de porcelaines. Beaucoup de ces pièces ont appartenu aux têtes couronnées de l’Ancien Régime, comme les rois Louis XV et Louis XVI, les reines Marie Leszczynska et Marie-Antoinette, ou encore le comte de Provence, le duc de Lorraine ou la Du Barry. Le XIXe siècle, lui, s’illustre à travers des provenances telles que l’empereur Napoléon et les dynasties de collectionneurs, à l’instar des Rothschildou de sir Richard Wallace.
1. Fauteuil en palissandre - Ce fauteuil d’époque Louis-Philippe a très probablement été offert à Henri d’Orléans, duc d’Aumale (1822-1897), vers 1830, selon le monogramme HO et la couronne des enfants de France présents dans le décor et sur le dossier. Peintre ornemaniste et décorateur français, Claude-Aimé Chenavard (1798-1838) introduit, dans les années 1830, le style Renaissance dans le mobilier français, contribuant ainsi au renouveau du style Louis-Philippe. Ce siège en est tout à fait représentatif. Très ornementé, ses supports d’accotoirs en forme de sphinges ailées ont été réalisées d’après un dessin de Jean-Jacques Feuchère (1807-1852).
300 000 à 500 000 €
2. Commode - Richement ornée, cette commode en placage de satiné et bois de violette, à décor de marqueterie de fleurs et monture de bronze doré, d’époque Louis XV, proviendrait de l’ancienne collection de la marquise de Pompadour au château de Crécy, qu’elle a acquis en 1746 et que le duc de Penthièvre (petit-fils de Louis XIV) achète en 1757 avec le mobilier. Le duc de Penthièvre transfère ensuite une partie des meubles du château de Crécy au château de Bizy, lors de sa vente au prince de Montmorency en 1775. Même s’il ne laisse derrière lui qu’un nombre assez limité de meubles estampillés, aujourd’hui répertoriés, Jean-Pierre Latz (1691-1754) était l’un des plus grands ébénistes du règne de Louis XV. Sa manière se caractérise par la qualité exceptionnelle de ses marqueteries comme de celle de ses bronzes.
700 000 à 1 000 000 €
3. Paire De cabinets - Cette paire de cabinets en laque du Japon et monture d’argent d’époque Edo (vers 1640-1680), possède un décor d’une finesse remarquable. Il provient probablement de l’ancienne collection de William III (1650-1702) et de la reine Mary II (1662-1694), qui régnèrent sur l’Angleterre, l’Irlande et l’Écosse à partir de 1689. C’est sous leur règne qu’émerge un nouveau style, appelé « style William and Mary », caractérisé par une forte influence flamande et hollandaise – William III était prince de la famille royale de Hollande –, doublée de références orientales, comme c’est le cas pour ces deux meubles.
200 000 à 300 000 €
4. Écran de cheminée royal - Ce pare-feu en chêne laqué bleu rechampi gris d’époque Louis XVI, estampillé Georges Jacob (1639-1814), a été livré en 1788 pour la chambre du petit appartement de la reine Marie-Antoinette à Versailles. Il a quitté le château de Versailles lors de la vente révolutionnaire du 27 décembre 1793 (7 frimaire An II) et a été acquis par le citoyen Dumont pour 3 000 livres. Ces dernières années, Versailles a préempté plusieurs écrans, à l’instar de celui adjugé 100 800 euros lors de la vente de l’Hôtel Lambert à l’automne dernier, estampillé Tilliard (et d’époque Louis XV) et provenant vraisemblablement lui aussi des petits appartements de la souveraine à Versailles.
L’accès à la totalité de l’article est réservé à nos abonné(e)s
La quintessence du goût à la française
Déjà abonné(e) ?
Se connecterPas encore abonné(e) ?
Avec notre offre sans engagement,
• Accédez à tous les contenus du site
• Soutenez une rédaction indépendante
• Recevez la newsletter quotidienne
Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°764 du 1 mai 2023, avec le titre suivant : La quintessence du goût à la française