Ventes aux enchères

La porcelaine chinoise, un marché sélectif

Par Marie Potard · L'ŒIL

Le 28 mai 2024 - 837 mots

La porcelaine chinoise telle qu'on la connaît aujourd'hui serait apparue à Jingdezhen au XIVe siècle.

S’il y a débat sur l’apparition de la porcelaine en Chine et si des proto-porcelaines émergent dès la dynastie Tang (618-907), tout le monde s’accorde sur sa technique : une matière translucide contenant du kaolin et cuite à haute température. L’existence de la paire de « vases David » (collection Perceval David, British Museum) est d’une importance capitale car ses inscriptions font apparaître la date de 1351, démontrant que la production de porcelaine bleue et blanche était déjà bien établie à Jingdezhen (province du Jiangxi), principal lieu de production en Chine. L’apogée de ce décor se situe au début du XVe siècle, sous la dynastie Ming (1368-1644), avec les règnes des empereurs Yongle et Xuande – périodes les plus valorisées sur le marché actuellement. Les décors, très codifiés, y sont réalisés à la perfection. C’est aussi sous Xuande que les marques impériales sont appliquées sur les pièces réservées à l’usage de la cour. Sous le règne de Chenghua (1464-1487), une autre période phare de la production s’ouvre. Les pièces de type « palace bowl »– très recherchées parce qu’exclusivement réservées à l’usage de l’empereur – apparaissent. D’une grande finesse, associée à une cuisson et une glaçure parfaites, ces pièces rarissimes peuvent dépasser les 10 millions d’euros. Ce règne est également associé à la production de porcelaines polychromes, qui atteignent une perfection avec le décor Doucai – les pièces les plus représentatives de cette période sont les « chicken cup ». Mais à partir du XVIe siècle, la qualité des décors décline à cause d’un assouplissement des contrôles. La porcelaine du XVe siècle est de ce fait davantage cotée que celle du XVIe siècle.

Ateliers de la cité interdite

La production de la dynastie suivante (Qing, 1644-1912) retrouve tout son lustre sous les règnes de Kangxi, Yongzheng, Qianlong et Jiaqing avant de décliner à nouveau. La porcelaine polychrome atteint des sommets, en particulier les décors de la « famille rose » (pigments roses dominants importés d’occident) – comme la production « falangcai » ou « yangcai », des pièces exclusivement impériales, produites à Jingdezhen mais décorées dans les ateliers de la Cité interdite (extrêmement recherchées). Le pic de la qualité est atteint sous la période Yongzheng (1722-1735). Un bol de cette production, à décor de deux hirondelles, a été adjugé 23 M€ en avril 2023 à Hongkong, 9 ans après un autre record, cette fois pour un bol du XVe siècle.

35 000 €

1. Sculpture  - Ce rocher comportant deux terrasses, orné d’un pavillon, d’un temple et de cinq moines, est inspiré des thèmes du shanshui. Il s’agit d’une porcelaine dite d’export – produite pour le marché européen. « Tout au long du XVIIIe siècle, les Français ont raffolé de ces pièces de couleur turquoise. Il y a 15 ans, seuls les collectionneurs occidentaux achetaient ce type d’objets, mais aujourd’hui les Chinois s'y intéressent aussi, même ceux faits pour le marché européen », explique Nicolas Fournery. Les porcelaines d’export et celles produites pour l’empereur et la cour ne sont cependant pas dans les mêmes gammes de prix.

Galerie Nicolas Fournery,

Paris.

150 000 à 200 000 € 

2. Coupe Ming  - Cette pièce est un bel exemple d’un type bien connu de plat peint en bleu sous glaçure à décor de fleurs de grenadier sur un fond jaune brillant. Des plats de cette conception ont été fabriqués entre le règne de Xuande (1426-1435) et celui de Jiajing (1522-1566) et sont également connus dans d’autres combinaisons de couleurs, telles que le bleu et blanc ou le marron et blanc. Cette coupe provient d’une collection particulière européenne, rassemblée dans les années 1920 par le grand-père de l’actuel propriétaire. Les porcelaines d’époque Ming sont parmi les plus recherchées sur le marché de l’art chinois actuel.

Christie’s Paris,

vente du 6 au 18 juin.

26 M€ 

3. Chicken Cup  - Ce bol en porcelaine présente un décor « doucai », réalisé avec un bleu sous couverte auquel ont été ajoutées des couleurs dans une cuisson de second feu. Les « chicken cup » sont extrêmement rares, il en existerait moins d’une vingtaine. Mise à prix à 15 millions d’euros, celle-ci a été emportée au téléphone après une longue bataille d’enchères par le collectionneur et milliardaire chinois Liu Yiqian. Record absolu pour une porcelaine impériale chinoise, ce prix a depuis été battu par un vase « famille rose » vendu en Chine pour plus de 40 millions de dollars en 2021.

Sotheby’s Hong Kong,

vendu le 08/04/2014.

125 000 € 

4. vase Soldat -  Ce vase se distingue par sa grande taille et son riche décor montrant l’innovation technique des ateliers de fabrication de porcelaines à l’époque. Ce type de vase monumental est appelé vase « soldat » ou « dragon », en référence à un événement survenu en 1717, lorsqu’Auguste II (1670-1733), roi de Pologne et électeur de Saxe, grand collectionneur de porcelaine, a échangé un régiment de 600 soldats contre un ensemble de porcelaines, dont plusieurs vases bleu et blanc de la période Kangxi, de taille monumentale. Une pièce similaire est conservée au Metropolitan Museum à New York.

 

Galerie Valérie Levesque,

Paris.

À voir
Printemps asiatique,
divers lieux à Paris, du 6 au 13 juin. La manifestation rassemble des marchands, maisons de ventes et musées spécialisés dans les arts asiatiques.

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Cet article a été publié dans L'ŒIL n°776 du 1 juin 2024, avec le titre suivant : La porcelaine chinoise, un marché sélectif

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