Le galeriste Kamel Mennour dévoile sa stratégie pour promouvoir Claude Lévêque à la Biennale de Venise.
Un de vos artistes, Claude Lévêque, représentera la France à la Biennale de Venise. En quoi ce pavillon est-il stratégique pour sa carrière ?
Claude est à un vrai tournant et il en est pleinement conscient. Il a fait le tour des expositions muséales en France et doit maintenant se projeter sur une scène internationale. Son pavillon est très en phase avec l’époque actuelle. C’est une forme rêche, qui n’est pas dans la prolifération de modules ou d’objets, et il n’a pas coûté autant que les précédents pavillons français. Il fait sens car il pose la question essentielle : vers quoi tend le monde ? C’est un projet universel, qui peut être lu sans problème par des Américains ou des Japonais et pas seulement par des directeurs de Fonds régionaux d’art contemporain (FRAC). Beaucoup de gens à l’étranger ne connaissent pas le travail de Claude. C’est plutôt une bonne chose car personne n’a d’a priori négatif ou positif. Les gens aborderont son pavillon dans une grande neutralité.
On a pu le constater par le passé, un pavillon n’est pas suffisant pour changer la perception des professionnels étrangers. Quelles autres stratégies avez-vous mises en place ?
On a formé autour de Claude toute une équipe pour prendre en charge l’accompagnement. Il a choisi un très bon commissaire, Christian Bernard. J’ai organisé en amont des dîners en petits comités pour créer une vibration, une énergie, pour que Claude se sente transporté, entouré d’un maximum de confort affectif, qu’il voie que les gens croient en lui. Pendant les jours de vernissage de la Biennale, nous organisons tous les jours des petits-déjeuners au Palazzo Tiepolo pour lui faire rencontrer un maximum de monde. Claude sait qu’il est à un carrefour. Je lui ai fait prendre des cours d’anglais depuis le mois de septembre. J’ai bon espoir. Depuis quelque temps, il est entré dans les collections de François Pinault, Marcel Brient, Walter Vanhaerents. La galeriste Ursula Krinzinger [Vienne] l’expose en 2010.
Entre Venise et la foire Art Basel, il y a toujours un effet de vases communiquants. N’est-il pas dommage qu’il n’y ait pas de relais bâlois ?
Non, pas du tout. Je ne suis pas mécontent de ne pas faire Bâle cette année. J’ai mis toute mon énergie sur Venise. On peut tout à fait travailler lors d’une biennale, notamment par le biais des petits-déjeuners que nous allons organiser. C’est plus concentré.
Vous avez fait l’effet d’une météorite, depuis l’ouverture de votre galerie en 1999. Comment souhaitez-vous conforter cette position ?
Aujourd’hui, j’ai un vrai champ de vision. Je sais ce que je ne veux pas faire, et je dis non à beaucoup de choses. J’essaie de créer un alliage particulier avec des artistes comme Latifa Echakhch ou Camille Henrot. Je ne cherche pas à grossir la liste, mais à ajouter des créateurs avec parcimonie, par petites touches. Je ne veux pas que ma galerie soit définie par un courant précis, celui des artistes ethniques ou engagés. Il n’y a rien qui lie Yona Friedman et Latifa Echakhch, mais tous deux ont la même exigence et des esprits singuliers. J’ai annulé la fête que j’avais prévue pour les dix ans de la galerie, car aujourd’hui les gens se fichent des célébrations. C’est le contenu des expositions qui compte. L’époque est à la modestie, à la proximité, au resserrage des relations avec les collectionneurs et les artistes.
Vous comptez faire un projet commun au moment de la Foire internationale d’art contemporain (Fiac) avec les galeristes Johann König (Berlin) et Jan Mot (Bruxelles). Pourquoi cette association ?
Johan König en avait formulé l’idée à New York. Cela a commencé sur le mode de la plaisanterie, du « et pourquoi pas ? ». On s’est dit qu’il y avait une page nouvelle à écrire en commun, une refonte des choses à faire. L’idée est de mettre en orbite des artistes qui ont pu influer sur une génération comme Daniel Buren ou Yona Friedman et d’autres artistes plus jeunes. J’aime cette idée d’un axe Paris-Bruxelles-Berlin. Travailler à trois, c’est redistribuer les cartes, ne pas fonctionner selon un schéma établi. On est aussi plus protégé à plusieurs. Dans les moments d’euphorie, il y a un repli individualiste, on se dit qu’on peut faire les choses tout seul. Si l’on veut que ce projet marche aussi bien qu’avait fonctionné le partenariat avec Continua, Chantal Crousel et Hauser & Wirth au Moulin l’an dernier, il faut que les participants soient dans la transmission et pas seulement dans l’aimantation. Il faut métisser les réseaux qui, pris individuellement, s’amenuisent.
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Kamel Mennour, galeriste
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°302 du 2 mai 2009, avec le titre suivant : Kamel Mennour, galeriste