Du fait de l’effondrement spectaculaire de leur cote, les nombreuses œuvres d’art occidental achetées par les Japonais au cours des années quatre-vingt ne réapparaissent presque jamais sur le marché. Cette situation a conduit les professionnels à explorer de nouvelles pistes afin de pouvoir poursuivre leurs activités : ainsi, sept salles de ventes aux enchères ont été créées depuis dix ans au Japon, principalement par des marchands.
TOKYO - Beaucoup se demandent où sont aujourd’hui toutes les peintures achetées avec tant d’acharnement par les Japonais dans les salles des ventes et les galeries au cours des années quatre-vingt. Le Japon posséderait en effet l’équivalent de plusieurs milliards de francs d’œuvres d’art occidentales, acquises essentiellement par des spéculateurs. Ces œuvres sont aujourd’hui le plus souvent conservées en dépôt de garantie dans des banques ou entreposées dans des immeubles vides, mais leurs propriétaires ne sont pas disposés à s’en séparer à vil prix. En 1990 encore, le Japon importait pour 600 milliards de yens d’œuvres d’art, alors que le montant total des importations n’atteint pas le dixième de cette somme aujourd’hui. En revanche, le total des exportations d’œuvres d’art n’a pas varié depuis quinze ans et s’établit autour de 2 milliards de yens par an (90 millions de francs). Face à cette baisse d’activité, marchands et galeristes ont dû faire preuve d’imagination pour se constituer une nouvelle clientèle.
Tout récemment encore, le Japon ne disposait pas d’un réseau de salles de ventes publiques équivalent au modèle occidental. Pour pouvoir mieux contrôler les prix, les marchands organisaient eux-mêmes leurs ventes aux enchères, selon un système féodal dont les particuliers étaient exclus. Certaines ventes n’étaient même ouvertes qu’à des galeristes regroupés au sein d’associations, et donc pratiquement inaccessibles à de nouveaux marchands.
Affiliée à Bonhams
En 1969, la première vente publique organisée par Christie’s au Bijutsu Club – une salle réservée aux marchands – fut considérée par les Japonais comme l’intrusion du Cheval de Troie. La maison de vente a réitéré sa tentative en 1980 et poursuivi l’expérience pendant trois ans avant de se retirer pour insuffisance de résultat. Christopher Davidge, président de Christie’s International, a récemment déclaré que le Japon n’était pas prêt à accueillir de telles ventes tant que les acheteurs considéreront les œuvres d’art uniquement comme des placements. Selon lui, il sera temps pour Christie’s de s’installer dans ce pays lorsque les Japonais se mettront à apprécier les objets d’art pour eux-mêmes.
Ce temps pourrait bien être venu puisque sept salles de ventes aux enchères ont été créées au Japon au cours des dix dernières années, la plupart par des marchands japonais. En 1990, un couple de galeristes a ouvert Shinwa Art Auction et, en 1994, M. Hasegawa, président de la galerie Nichido et d’un groupe de galeristes de renom, a fondé AJC Auction. Ces deux maisons sont en principe ouvertes au public, mais bien des particuliers estiment qu’elles ne leur sont pas vraiment accessibles. Ainsi, lors de la première vente organisée par AJC Auction, les personnes ne désirant pas enchérir avaient été priées de s’asseoir au fond de la salle, et la plupart des enchères semblent avoir été le fait de professionnels.
Plus récemment, un certain nombre de marchands de Ginza, le quartier huppé de Tokyo, ont fermé leur galerie afin de se consacrer exclusivement à l’organisation de ventes publiques. D’autres marchands ont adopté une solution intermédiaire en conservant leur galerie tout en proposant deux ventes aux enchères par an. Enfin, 1996 a vu la naissance de la Tokyo Auction House, affiliée à la maison Bonhams. Ouverte au public toute l’année, elle propose ce mois-ci la dispersion d’une collection relative aux Beatles.
L’accès à la totalité de l’article est réservé à nos abonné(e)s
Japon : essor des ventes
Déjà abonné(e) ?
Se connecterPas encore abonné(e) ?
Avec notre offre sans engagement,
• Accédez à tous les contenus du site
• Soutenez une rédaction indépendante
• Recevez la newsletter quotidienne
Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°33 du 1 février 1997, avec le titre suivant : Japon : essor des ventes