PARIS
PARIS [20.09.16] – Un arrêté pris au cœur de l’été interdit désormais tout commerce d’objets contenant de l’ivoire d’éléphants ou de la corne de rhinocéros sur le territoire national. S’il existe une dérogation pour les « objets travaillés » datant d’avant 1975, les professionnels s’interrogent sur sa mise en œuvre.
La lettre intersyndicale adressée en mai dernier par les professionnels du marché de l’art à Ségolène Royal n’a pas empêché la ministre de l’Environnement et le ministre de l’Agriculture de prendre un arrêté pour l’interdiction du commerce de l'ivoire d'éléphants et de la corne de rhinocéros sur le territoire national.
Passé inaperçu au moment de sa publication au Journal Officiel en plein mois d’août, l’arrêté interministériel du 16 août 2016 interdit strictement le commerce d’objet en ivoire, même antérieur à 1975. La seule dérogation à cette interdiction concerne « le commerce et la restauration d'objets travaillés » dont il est établi que l'ancienneté est antérieure au 1er juillet 1975 (date d'entrée en vigueur de la Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d'extinction dite CITES).
Par « objets travaillés », il faut entendre tous les « spécimens dont l’état brut naturel a été largement modifié pour en faire des bijoux, des objets décoratifs artistiques ou utilitaires », tels que les statuettes et reliquaires en ivoire, les défenses et cornes sculptées ou encore les miniatures japonaises appelées « netsuke », a indiqué le Conseil des Ventes Volontaires (CVV), l’autorité de régulation des ventes volontaires de meubles aux enchères publiques. A ces spécimens, il faut ajouter les « objets plaqués ou marquetés en ivoire, les couteaux ou couverts à manche en ivoire et les pianos à touches en ivoire », ont précisé les services compétents du ministère de l'environnement.
Problème : la liste de ces « objets travaillés » n’est pas exhaustive et avant chaque commercialisation de l’un d’entre eux par un professionnel du marché de l’art, il faudra faire une demande de dérogation expresse auprès de la direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement. Or, la loi prévoit que passé un délai de quatre mois, l’absence de réponse de l’administration est considérée comme un refus et les professionnels s’inquiètent que les services ministériels ne puissent pas faire face à l’afflux des demandes. Une inquiétude en partie justifiée : contactée, la Direction de l'eau et de la biodiversité, rattachée à la direction régionale de l'environnement, de l'aménagement et du logement, elle-même rattachée au ministère de l'Environnement, de l'Énergie et de la Mer n’a pas fait suite à notre demande.
Pour le SYMEV, qui a rencontré le 15 septembre dernier les services compétents du ministère de l'Environnement, de l'Energie et de la Mer, cette procédure est une aberration alors même que le commerce de l’ivoire était déjà réglementé par le droit européen en le limitant aux objets et antiquités datant d'avant juin 1947. En étendant l’interdiction à tout le commerce et en rayant de sa législation la date butoir de 1947, la France s’aligne sur le droit des Etats-Unis, au détriment du droit européen. Le SYMEV pourrait envisager des poursuites devant la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE) si le ministère de l’Environnement ne répond par favorablement à ses sollicitations.
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Interdiction du commerce de l’ivoire, le casse-tête administratif
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Abonnez-vous dès 1 €Netsuke, ivoire, Japon 1701-1900 © Photo Wellcome Library - Crédit photo Science Museum, London. Wellcome Images - Licence CC BY-SA 4.0