Devant Twitter et Facebook, Instagram est le réseau numéro un de l’art. Côté marché, il s’impose depuis quelques années comme un stimulateur de ventes, surtout auprès des plus jeunes collectionneurs.
Lancé en 2010 et racheté par Facebook en 2012, Instagram s’est imposé comme l’outil idéal dans le domaine de l’art. Celui-ci est en effet fondé sur le partage d’images, contrairement aux réseaux Twitter et Facebook basés, eux, sur le contenu écrit et le partage de liens. En France, l’application dénombre 17 millions d’utilisateurs, comme le rapporte Le Journal du dimanche dans un entretien avec Laurent Solly, directeur général de Facebook France, soit un tiers des Français. Elle offre donc gratuitement, et avec une ergonomie simple, une visibilité faramineuse.
Grâce à Instagram, il est désormais possible pour l’utilisateur de faire, en un temps éclair, le tour des galeries mondiales sans bouger de son fauteuil. Si les mastodontes du marché totalisent des milliers d’abonnés à l’instar de la Pace (876 000) et de Hauser & Wirth (454 000), voire plus d’un million pour le géant Gagosian (1,2 million), les chiffres sont en revanche plus modestes pour les Français, avec 353 000 abonnés pour la Galerie Perrotin, 68 000 pour la Galerie Kamel Mennour, 45 000 pour la Galerie Templon et 65 000 pour la maison de ventes Artcurial.
Ce phénomène s’insère dans l’accélération globale des ventes d’œuvres d’art en ligne dont le chiffre d’affaires, difficilement mesurable, serait à hauteur de 4,64 milliards de dollars en 2018, contre 1,5 milliard de dollars en 2013 (rapport Hiscox 2019 sur le marché de l’art en ligne). Les plates-formes Internet pour l’achat d’œuvres ont crû au fil des années et, parmi les plus importantes, se positionnent Artsy, Artnet et les plates-formes du duopole Christie’s et Sotheby’s, auxquelles s’ajoute donc, désormais, Instagram. Le rapport Hiscox pointe d’ailleurs que 65 % des personnes sondées privilégient Instagram pour l’art, 34 % admettant que le réseau a une influence dans leurs achats d’œuvres. Un chiffre qui s’élève à 43 % pour les répondants de moins de 35 ans.
Les personnes entre 35 et 50 ans forment la première cible touchée, souligne Clémence Demolling, de la Galerie Magda Danysz, voire moins pour Sotheby’s : « Sur Instagram, notre audience la plus large est celle des 25-34 ans. En l’espace d’une année, Sotheby’s a totalisé une augmentation de 36 % d’enchérisseurs âgés de moins de 40 ans. Cette plate-forme est donc un bon moyen de toucher une jeune génération de collectionneurs et d’accueillir une audience qui ne sait pas forcément que nos portes sont ouvertes à tous », pointe Lauren Gioia, directeur de la communication chez Sotheby’s.
Instagram se positionne en premier lieu comme un outil pour se créer une image, voire pour « désacraliser son image et créer un lien plus intimiste ; c’est le cas pour notre métier de galeriste », explique Clémence Demolling. Dans ce sens, Christie’s, dont l’hôtel particulier à Matignon ne semble pas de prime abord très accessible, rejoint cette stratégie. Pour les maisons de ventes, il s’agit aussi de démontrer que, « contrairement à ce que la plupart des gens pensent, il n’est pas nécessaire de disposer d’un million d’euros pour acheter chez Sotheby’s. En fait, 60 % de nos lots vendus en 2018 sont partis pour moins de 10 000 dollars, et l’accès à nos expositions est gratuit », admet Lauren Gioia.
Les prix réalisés sur Instagram sont relativement modestes, « entre 5 000 et 15 000 euros », précise Clémence Demolling, sauf exception, comme le confirme Loïc Garrier, directeur de la Galerie Ceysson & Bénétière, qui a cédé sur Instagram une toile de Marc Devade (1943-1983), membre du groupe Supports/Surfaces, pour 90 000 euros. Une double exception pour cette œuvre, puisque ce sont généralement les créations les plus récentes qui sont vendues par l’enseigne sur l’application. Au total, pour Sotheby’s, tous réseaux confondus, plus de soixante acheteurs totalement nouveaux ont dépensé en 2018 environ 3,96 millions de dollars après avoir vu l’auctioneer américain sur les réseaux. Un chiffre non négligeable, mais faible comparé aux 6,4 milliards de dollars de volume de ventes engendré par la maison cette même année.
En revanche, la fidélisation n’est pas encore au rendez-vous. « Nous avons réalisé de nombreuses ventes par Instagram, et nous envisageons même d’ouvrir une boutique sur l’application. Malgré tout, le volume reste faible comparé aux ventes de nos fidèles clients. D’autant plus qu’il s’agit de personnes qui ne se déplacent pas en galerie et qui ne sont pas toujours enclines à échanger, même par email », explique Brian Swarts, directeur de la Galerie Taglialatella New York. Ce qui justifie aussi le retard de la France, où les habitudes sont difficiles à changer, comme le rappelle Nadège Buffe, directrice de l’antenne française de la Taglialatella : « Instagram, qui est un outil visuel et d’immédiateté, s’inscrit peut-être davantage dans le rythme américain. De plus, le rapport au prix est plus décomplexé dans une ville comme New York, qui s’affiche clairement comme une ville de business. En France, l’argent étant plus tabou, l’utilisation de l’outil à des fins commerciales est plus délicate. »
Si la France a, en général, un train de retard sur l’utilisation des réseaux, le monde de l’art en particulier est « en retard dans sa façon d’utiliser Instagram comme un outil commercial, bien que quelques nouveaux modèles innovants soit explorés par des compagnies à l’instar d’Avant Arte [ndlr, spécialisé dans la vente d’éditions] ou See You Next Thursday (SYNT) [ndlr, première maison de vente d’Instagram], qui utilisent les fonctionnalités existantes du réseau pour générer des ventes », explique Elena Soboleva, directrice des ventes en ligne de la Galerie David Zwirner. Mais le réseau a aussi ses dérives, et il « rend aigris pas mal de galeristes, car il est l’outil rêvé pour que les artistes passent directement par les collectionneurs », nous glisse une galeriste.
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Instagram : Accélérateur du marché de l’art
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans L'ŒIL n°729 du 1 décembre 2019, avec le titre suivant : Instagram : Accélérateur du marché de l’art