Vous avez lancé la galerie Art Attitude voilà vingt ans à Nancy. N’était-ce pas alors une folie d’ouvrir en Lorraine ?
C’était sans doute une gageure – et ça l’est encore – d’envisager ce métier en dehors de Paris. Mais je suis originaire de Nancy et l’ouverture de ma galerie s’inscrivait dans une suite d’événements que j’avais organisés de façon associative. J’avais déjà l’ambition d’engager un travail suivi auprès d’un nombre restreint d’artistes, et la seule manière de l’envisager sur un temps long, c’était par le biais d’une galerie.
Votre parcours fut-il difficile dans une région qui n’a jamais brillé par son intérêt pour l’art contemporain ?
C’est difficile car il faut redoubler d’efforts pour gagner en visibilité. La galerie n’a jamais pu s’appuyer sur un réseau institutionnel fort. La Lorraine est l’une des dernières régions à avoir installé son Fonds régional d’art contemporain (FRAC) dans un lieu pérenne. Il n’y a pas de centre d’art à Nancy, la seule structure proche étant la Synagogue de Delme, en milieu rural. J’ai cherché à élargir au plus vite mon réseau. J’ai profité du fait que j’étais situé à équidistance de Francfort et de Bâle, en travaillant par exemple avec l’artiste suisse Éric Hattan ou avec les Allemands Marko Lehanka et Peter Rösel. Cela m’a permis de développer mes activités sans me lamenter sur l’immobilisme de la région. Ma clientèle se trouve à 90 % hors de la Lorraine.
Qu’est-ce qui peut convaincre un artiste d’exposer à Nancy, quand le terreau local est aussi faible ?
Très vite, j’ai souhaité que mon espace, singulier par sa configuration, ne soit pas un lieu receveur, mais un laboratoire générant des propositions inédites. Les artistes ont pu prendre le temps de construire et d’expérimenter des choses qu’ils n’auraient pas pu faire ailleurs.
Votre liste d’artistes, qui compte notamment Emmanuel Saulnier et Jacques Charlier, est-elle volontairement réduite ou est-il difficile d’en capter davantage ?
Dès que j’engage une collaboration, c’est sur l’idée du long terme. Il est du coup impossible de les multiplier. J’ai effectué de nouvelles rencontres, mais de manière très réfléchie, en veillant à ce que cela ne nuise pas à ma disponibilité vis-à-vis de celles plus anciennes. Mais pour les expositions thématiques que j’ai organisées depuis 1995, j’ai eu des collaborations régulières avec Bertrand Lavier, Didier Marcel ou Olivier Blanckart, sans avoir l’ambition de les représenter. En France, il est relativement rare qu’un artiste soit représenté par plusieurs galeries alors que c’est tout à fait possible à l’étranger. Cela élargit pourtant la diffusion de leurs travaux, en tenant compte des spécificités de chaque enseigne. Il m’est arrivé d’avoir des conflits avec des galeries parisiennes, notamment pour des acquisitions publiques. Je regrette que les artistes aient parfois à subir des pressions et soient amenés à trancher.
Votre « écurie » compte principalement des artistes français. Souhaitez-vous défendre une scène hexagonale ?
Au départ, je voulais défendre une génération d’artistes français qui n’était pas assez sollicitée ou valorisée. Il est parfois difficile pour des collectionneurs ou des institutions de suivre une démarche sur la durée. Certains ont même pu se détourner des créateurs qu’ils soutenaient au départ. Par exemple Bernard Borgeaud, un artiste important de la scène française de la fin des années 1960/du début des années 1970, a connu une longue période orientée sur la photographie. Lorsqu’il a entrepris un nouveau travail, celui-ci n’a pas été accepté, voire regardé, par ceux qui le suivaient.
Que pensez-vous de l’idée d’une plateforme défendant la scène française au sein du Palais de Tokyo ?
Beaucoup d’artistes, comme Philippe Cazal, mériteraient d’avoir une exposition monographique importante. Or l’absence de tels événements rend difficile la compréhension de leur démarche par les collectionneurs. Un tel lieu pourrait contribuer à modifier cette situation.
Qu’attendez-vous de l’antenne du Centre Pompidou dans la ville concurrente de Metz ?
L’arrivée de cette structure est salutaire. Elle contribuera à donner un coup d’accélérateur à la situation globale dans cette région. En posant des jalons historiques permettant une compréhension de l’art moderne et contemporain, ce musée pourrait permettre l’apparition de nouveaux collectionneurs. Par ricochet, cela ne peut que favoriser des visites plus régulières à la galerie. De fait, simultanément à l’ouverture du Centre Pompidou-Metz en mai 2010, la galerie, le FRAC Lorraine, l’école d’art et le Musée des beaux-arts de Nancy vont travailler sur la notion de dessin, avec dans mon cas un projet monographique d’Annelise Coste.
Galerie Art Attitude-Hervé Bize, 17-19, rue Gambetta, 54000 Nancy, tél. 03 83 30 17 31, www.hervebize.com. L’exposition « Keep your options open, 1989-2009 », présentée jusqu’au 20 juillet, marque les 20 ans de la galerie.
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Hervé Bize, directeur de la galerie Art Attitude-Hervé Bize à Nancy
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°303 du 16 mai 2009, avec le titre suivant : Hervé Bize, directeur de la galerie Art Attitude-Hervé Bize à Nancy