Des plus jeunes artistes aux plus établis, les sections « Art Statements » et « Art Feature » brouillent la notion de temps.
La foire de Bâle savoure les écarts temporels, entre le blé en herbe de la section « Art Statements » et les créateurs confirmés du secteur « Art Feature », souvent « artistes d’artistes » tels Lygia Clark, montrée par Alison Jacques (Londres), ou Gianfranco Baruchello, exhumé par Michael Janssen (Berlin). Si, en 2009 et 2010, les galeries hexagonales étaient très présentes dans Art Statements, la tendance s’est nettement infléchie cette année. Malgré tout, deux artistes d’origine française y sont à l’honneur. La galerie Harris Lieberman (New York) présente Dialogue of the Objects, une installation d’Alexandre Singh, l’une des révélations de l’exposition « Dynasty » organisée en 2010 au Palais de Tokyo et au Musée d’art moderne de la Ville de Paris. Ce nouveau travail est cependant éloigné des jeux d’arborescence et de rhizome à l’œuvre dans « Dynasty ». Proche dans l’esprit de la prestation dans l’exposition « Free » au New Museum, l’an dernier à New York, et de La Critique de l’école des objets actuellement visible au Palais de Tokyo, la pièce inverse les rôles entre l’objet supposé inerte et le regardeur. Dans un dispositif théâtral, des sculptures spéculent sur le monde des humains de manière humoristique ou cynique. Un goût pour la narration et les jeux de mots infuse tout le travail de cet artiste.
Sutton Lane (Paris, Londres) présente pour sa part une série d’affiches de films discrètement revisitées par Clément Rodzielski. Les posters « collectors » reviennent sur le marché avec un usage autre que la promotion cinématographique ou la nostalgie des memorabilia. Ils n’en conservent pas moins les mêmes qualités désuètes et cohabitent avec des mannequins chinés dans des vitrines du quartier Saint-Michel à Paris, dont les extrémités des bras, des jambes et du cou ont été peintes au spray pour marquer les limites des vêtements d’hiver. Deux régimes différents d’images se trouvent ainsi mis en valeur par l’usage discret du spray.
Une perception linéaire du temps court-circuitée
Toujours dans Art Statements, la galerie Ellen de Bruijne Projects (Amsterdam) met en valeur le duo berlinois Pauline Boudry et Renate Lorenz, dont le travail réexamine, à partir d’images d’archives, le discours sur le genre et le sexe, la fabulation et la vérité. Les deux installations présentées à Bâle explorent les archives punk depuis 1976 et court-circuitent une perception linéaire du temps en requalifiant le lien entre le passé et l’avenir. Une vidéo baptisée No Future, clin d’œil au mot d’ordre punk, aborde le nihilisme de ce mouvement. Intitulée No Past, une autre vidéo joue sur une abolition de la temporalité, base pourtant de toute psyché. C’est un escamotage chronologique du même ordre que propose la section Art Feature en portant l’accent sur quelques artistes cardinaux dans la formation de nombreux créateurs actuels. Par un curieux concours de circonstance, deux galeries rendent hommage à l’artiste conceptuel italien Alighiero e Boetti. Marco Noire (Turin) permet de découvrir trois films réalisés en 1969. Une grande peinture de Frank Stella sert de toile de fond à des saynètes ironiques, dans lesquelles apparaissent Boetti et ses amis. De son côté, S.A.L.E.S. (Rome) engage un dialogue entre les dernières œuvres de Boetti, notamment la série complète des livres, et les productions les plus récentes de l’artiste Stefano Arienti. Histoire de souligner les analogies conceptuelles d’une génération à l’autre.
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Générations confondues
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°349 du 10 juin 2011, avec le titre suivant : Générations confondues