Art contemporain

Paris

François Rouan, l’art de l’intrication

Par Julie Estève · Le Journal des Arts

Le 31 octobre 2011 - 646 mots

La galerie Jean Fournier montre deux périodes de l’artiste proche de Supports-Surfaces à travers un ensemble d’œuvres sur papier.

PARIS - « Ce qui m’intéresse, lance François Rouan, c’est ce qui n’est pas clair, affronter ce qui parasite les beaux objets. Le clair, je n’y crois pas ! » Alors, il cherche la complexité dans les intrications du tressage de la toile : défier l’envers, le revers du support, trouver une tension dans les éruptions et les éclipses de l’image, un affrontement dans les apparitions et les disparitions de la couleur. Cacher, révéler, ce qui éclate, ce qui sommeille, devant, derrière la surface et lui donner une épaisseur, du relief, un corps.

Dans « Découpe/modèle », la deuxième exposition personnelle de l’artiste à la galerie Jean Fournier, à Paris, deux périodes s’emmêlent comme le refrain d’une expérimentation, celle de François Rouan avec la peinture. Les œuvres sur papier du milieu des années 1960 tissent avec celles des années 2000 l’histoire d’une pratique, la trame presque grammaticale d’une aventure. « Ce dialogue montre bien, explique sa galeriste Élodie Rahard, l’implication de Rouan pour le corps même de la peinture qui s’est, avec le temps, précisé, affirmé. Quant aux questions de figuration et d’abstraction, elles ont été résolues. Aujourd’hui, les deux sont présentes dans son œuvre. » Pour l’artiste, pas d’évolution mais « des butées qui font rebondir sur la nécessité d’avoir une tension dialectique dans la question du tressage et sur la tentative d’y accueillir le désordre ». En amont, il y a Matisse bien sûr, l’un des référents quand il taille à vif dans la couleur, « mais plutôt que d’aller comme lui vers une simplification, j’ai mis la découpe comme modèle à l’épreuve d’une complexification », précise le peintre.

Collectionneurs fidèles
Si Rouan résiste aux classifications, il s’est aussi tenu en marge de l’aventure Supports-Surfaces. « Incontestablement, nous partagions des regards, affirme-t-il. Mais quand s’est déployée la logique d’exposition militante du mouvement, je me suis mis à l’écart. Il m’arrive pourtant de penser qu’aujourd’hui je suis avec Claude Viallat, si fidèle à lui-même, le dernier “support-surfaciste” ! » Pour le galeriste Bernard Ceysson, spécialiste du mouvement français, « Rouan a peut-être été celui qui, avec le plus de conscience, a voulu à la fois être en rupture avec toute la tradition de la peinture et en même temps la refonder ».

Le soir du vernissage étaient présents des amateurs, et l’on comptait déjà quelques points rouges. Car François Rouan est suivi par des collectionneurs fidèles, surtout des Français, mais aussi d’autres Européens. « Beaucoup d’amateurs sont des inconditionnels, qui possèdent un déploiement d’œuvres important de ses grandes périodes, ajoute sa galeriste. Ils étaient enthousiastes à l’idée de découvrir ce lien entre les premiers papiers découpés et les travaux récents de tressage. » Si les petits formats des années 1960 valent 15 000 euros, les plus grands tournent autour des 22 000 euros. Les œuvres récentes sur papier coûtent, elles, moitié moins. « Un grand tressage sur toile de la fin des années 1960 s’est vendu environ 150 000 euros, précise Élodie Rahard. Sa cote actuelle est quasi identique à celle de Viallat, mais seulement depuis peu, depuis que ce dernier a accepté des prix plus élevés. » Pour Bernard Ceysson, Viallat reste moins cher que Rouan. Cette année, la galerie Jean Fournier n’était pas à la Fiac. « Cela me touche », déclare Ceysson, lui aussi absent de la foire, « car c’est une institution. Je me sens redevable de Jean Fournier. C’était un homme remarquable. »

FRANÇOIS ROUAN, DÉCOUPE/MODELE,

Jusqu’au 19 novembre, galerie Jean Fournier, 22, rue du Bac, 75007 Paris, tél. 01 42 97 44 00, www.galerie-jeanfournier.com, tlj sauf dimanche et lundi 10h30-12h30 et 14h-19h

Prix des œuvres : 6 000 à 7 000 € pour les œuvres sur papier récentes, 15 000 à 22 000 € pour les œuvres des années 1960

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°356 du 4 novembre 2011, avec le titre suivant : François Rouan, l’art de l’intrication

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