Deux cent dix-sept artistes issus des cinq continents, des galeries venant de 23 pays et 80 000 visiteurs attendus : voici, en quelques chiffres, la carte d’identité de la Fiac 2000, le principal rendez-vous marchand, en France, de l’art contemporain. Oubliée la polémique sur son installation Porte de Versailles, la foire se lance dans une nouvelle vie en se spécialisant cette année dans les expositions personnelles, pour, « dans un contexte où toutes les foires se ressemblent de plus en plus, selon Véronique Jaeger, commissaire de la manifestation, mettre en avant la relation entre l’artiste et la galerie ». Cette option, qui force les marchands à prendre des risques, devrait conforter la qualité d’une manifestation populaire qui, si elle reste avant tout consacrée à la vente d’œuvres d’art, n’en oublie pas moins sa dimension culturelle.
Dans le concert international des foires d’art contemporain, chacun des grands rendez-vous cherche constamment à innover, à fournir aux galeries et aux collectionneurs le petit plus qui fera la différence. Les organisateurs tentent aussi de trouver une spécificité qui attirera les amateurs, même si les innovations sont rapidement reprises d’une manifestation à l’autre, à l’image des secteurs réservés aux jeunes galeries ou encore, récemment, des halls spécifiques pour la sculpture monumentale. Depuis 1987, la Fiac avait décidé de mettre chaque année un pays à l’honneur, idée reprise aujourd’hui par d’autres foires, comme l’Arco, à Madrid ou Artissima, à Turin. Rompant avec cette logique qui commençait à s’épuiser, le rendez-vous parisien a décidé cette année de changer son fusil d’épaule et de demander aux galeries de réserver leur stand à des expositions personnelles. Cette décision n’a pas été sans faire grincer quelques dents, à tel point que certaines galeries, comme Durand-Dessert, boycottent tout bonnement l’événement. Le choix de l’exposition personnelle dans une foire relève en effet du coup de poker : ou bien l’artiste trouve son public et la galerie fait des bénéfices ; ou alors le créateur est boudé et le marchand ne peut proposer d’autres poulains pour, au moins, rentrer dans ses frais. La mise en avant d’un artiste peut aussi créer des tensions entre les créateurs représentés par une même galerie. Faisant preuve de souplesse, les organisateurs ont finalement autorisé les marchands à proposer aussi une réserve qui ne peut néanmoins excéder 30 % de la surface totale des stands.
Ce choix du “one man show” de la part des organisateurs ne peut s’expliquer que dans le contexte d’une santé recouvrée du marché de l’art. Réalisant par ailleurs de bonnes ventes, les galeristes peuvent aujourd’hui se permettre de prendre quelques risques, certains profitant même de la Fiac pour faire connaître de jeunes artistes qui n’ont jamais encore exposé dans notre pays. Néanmoins, la physionomie de la foire va être complètement bouleversée. Pour la première fois à cette échelle, les galeristes ne concevront plus leur stand suivant une logique d’accrochage, mais d’exposition, ou plus prosaïquement, en ne mettant pas en avant des “produits”, mais la démarche d’un artiste. Cette logique s’inscrit aussi dans l’une des spécificités de la Fiac qui ne se résout pas à n’être qu’un rendez-vous commercial. Pour Véronique Jaeger, commissaire de la Fiac, “la manifestation a aussi une fonction culturelle”. De nombreux visiteurs abordent d’ailleurs chaque année la manifestation dans une logique d’exposition. Les 80 000 entrées enregistrées l’année dernière en sont la parfaite démonstration. La fréquentation pourrait d’ailleurs encore augmenter puisque la Mairie de Paris a décidé cette année d’offrir, jusqu’au 30 octobre, une entrée à la Fiac à tout visiteur de l’un des musées de la Ville de Paris. Véronique Jaeger voit d’ailleurs dans ces visiteurs des collectionneurs potentiels qu’il ne faut pas négliger.
Les “vrais” collectionneurs font néanmoins cette année encore l’objet d’une attention toute particulière, dans le cadre du programme “Un automne à Paris”. Chaque galerie peut inviter un couple de collectionneurs qui sont pour la plupart logés à l’hôtel Le Faubourg, rue Boissy-d’Anglas, dans le huitième arrondissement. Ces privilégiés bénéficient également d’une automobile mise à disposition par Renault. Enfin, des visites privées sont organisées pour eux au Centre Georges-Pompidou ou au Centre national de la photographie, ainsi que des dîners avec des responsables culturels parisiens. Nombre de collectionneurs, notamment étrangers, semblent en effet avoir été séduits par la formule mise en place par la Fiac cette année. L’annonce très en amont du programme de chaque galerie en a motivé plus d’un à prévoir le voyage à Paris. Les organisateurs de la Fiac n’en attendent pas moins de huit cents. De plus, la Ville lumière semble à nouveau attirer les amateurs d’art américains, certains d’entre eux venant par exemple d’y acquérir de récents pied-à-terre.
Confortablement installée, quant à elle, Porte de Versailles, la Fiac 2000 s’annonce d’emblée comme un millésime exceptionnel, à l’image des grands crus du vignoble hexagonal. Les professionnels ont l’habitude de comparer ces grands rendez-vous à des musées temporaires, ou, du moins, estiment qu’ils réunissent des pièces qui mériteraient amplement les cimaises des grands musées d’art moderne et contemporain de la planète. Le principe de l’exposition personnelle imposé cette année aux galeries va renforcer cet aspect “muséal”, car chaque artiste montre un nombre significatif d’œuvres. Cependant, la manifestation reste ouvertement contemporaine, puisque sur 217 artistes, seuls 30 peuvent être classés parmi les modernes. Ainsi, la galerie Marwan Hoss (Paris) proposera des sculptures de Pablo Gargalo, la galerie Tendances (Paris) des dessins satiriques de l’Allemand Georg Grosz et la galerie Gmurzynska (Cologne) des dessins, collages, photographies, peintures et sculptures réalisés à Paris par Alexander Rodtchenko. Les peintures et objets de Man Ray seront exposés par Marion Meyer (Paris) et Zabriskie (New York), les tableaux de Francis Picabia chez Vivita (Florence) et Zwirner & Wirth (New York). Le mouvement informel est présent avec Jean Fautrier (galerie Michael Haas, Berlin), Jean Dubuffet (galerie Bernard Cats, Bruxelles) et Henri Michaux (galerie Chobot, Vienne). Les galeries étrangères ont massivement répondu puisque sur 196 stands, elles en occupent 110. L’Italie est le pays le mieux représenté, avec vingt et un participants, tout juste devant les États-Unis, avec quinze stands. Il s’agit du grand retour des marchands d’outre-Atlantique, avec des galeries importantes comme Art of this Century, Barquet, CRG Gallery, Forum, Haime, Luhring Augustine, Marian Goodman, Holly Solomon, I-20 ou Sheehan. Du côté des Français, de nombreux stands permettront de découvrir ou de retrouver la jeune génération hexagonale, avec, notamment, Gilles Barbier (Georges-Philippe et Nathalie Vallois), Valérie Belin (Xippas), Serge Comte (Jousse), François Curlet (Le Sous-Sol), Richard Fauguet (Art : Concept), Jean-Pierre Khazem (Emmanuel Perrotin), Delphine Kreuter (Alain Gutharc), Laura Lamiel (Anton Weller), Mathieu Mercier (Chez Valentin), Jean-Luc Moulène (Anne de Villepoix) ou la collection Yoon Ja et Paul Devautour (Chantal Crousel). Les artistes français plus confirmés sont aussi présents, comme François Morellet à la fois chez Catherine Issert (Saint-Paul-de-Vence) et Sollertis (Toulouse). Le spécialiste de l’art géométrique bénéficie encore de l’hommage que lui rend Bertrand Lavier sur le stand d’Yvon Lambert. De son côté, Daniel Buren expose, sur le stand de la galerie Marian Goodman, l’une des cabanes éclatées déjà présentées à Villeurbanne.
La Fiac reste le principal rendez-vous français des professionnels de l’art. Elle n’est certes pas la plus grande foire d’art contemporain du monde. Ne serait-ce qu’au niveau de sa superficie, elle est, avec 18 000 mètres carrés, loin derrière les 37 000 mètres carrés de sa concurrente bâloise… Nobody is perfect !
- FIAC 2000, du 25 au 30 octobre, Pavillon du Parc, hall 4, Paris Expo, Porte de Versailles, mercredi et vendredi 12h-20h, jeudi 12h-22h, samedi et dimanche 10h-20h, lundi 12h-18h ; catalogue : 200 francs ; Internet : www.fiac-paris.com
À l’intérieur de la manifestation, un lieu de débat, le Café des arts, a été aménagé en partenariat avec La Cinquième et Bang & Olufsen. Y seront organisés tout au long de la foire des débats autour de thèmes aussi variés que qui fait la cote, la place de la photo dans l’art contemporain, l’art dans la ville, les fondations et collections d’entreprises face à l’art contemporain, l’art contemporain et les collections : mariage ou rupture, les années quatre-vingt-dix, art contemporain, pédagogie, nouvelles technologies : les moyens d’une coexistence possible...
- Retrouvez le Journal des Arts au stand A 25.
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Fiac 2000 : les galeristes l’aiment « one man show » !
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°113 du 20 octobre 2000, avec le titre suivant : Fiac 2000 : les galeristes l’aiment « one man show » !