Réservé jusqu’ici aux scientifiques, ce secteur florissant aux États-Unis suscite un engouement grandissant en France alors même qu’il est soumis à de nombreuses contraintes.
Monde. Le marché des squelettes de dinosaures s’est développé dans l’Ouest américain vers 1860-1870. À cette époque, la « guerre des os » fait rage : deux paléontologues, Charles Marsh et Edward Cope, se livrent une bataille sans merci pour la découverte du plus grand nombre de spécimens. Au début financées par les institutions, des expéditions sont commanditées depuis une vingtaine d’années par des entreprises privées tandis que les ventes publiques s’emparent peu à peu de ce marché.
En France, c’est l’expert Éric Mickeler qui, le premier, a lancé les ventes, d’abord par petites touches (dents, fémurs…), puis en allant crescendo. Mais la vente d’histoire naturelle de Christie’s Paris en mars 2007 marque une étape. La communauté scientifique, souhaitant garder la mainmise sur ce marché confidentiel, boycotte la vente, dénonçant des « prix délirants » ne permettant pas aux musées d’acheter. S’il s’ensuit un vif débat, toujours d’actualité, un tournant est pris en avril 2008 lorsque Christie’s vend pour la première fois en France un squelette de dinosaure, un tricératops (592 000 €), suivie par Sotheby’s qui cède un allosaure complet (1,3 M€) en 2010. Les dernières ventes, cette année, ont confirmé la tendance : en avril, Binoche et Giquello a cédé un allosaure et un diplodocus (1,4 M€ chacun), tandis qu’Aguttes a adjugé le 4 juin pour 2 millions d’euros (frais compris) un squelette de théropode inconnu excavé en 2014-2015 aux États-Unis (est.1,2 à 1,8 M€).
« Les prix n’ont fait que monter car il y a une réelle demande. Même si c’est un marché assez confidentiel, il intéresse beaucoup de monde à travers le globe », commente Éric Mickeler. Au vu des prix et de la taille des spécimens, le cercle est cependant réduit, d’autant plus que les excavations sont difficiles et le commerce, surveillé. Aux États-Unis par exemple, seuls les domaines privés peuvent être fouillés, tandis que dans nombre de pays ces spécimens sont élevés au rang de trésors nationaux, comme en Chine, au Maroc, en Argentine ou Turquie. En avril 2017, la maison Binoche et Giquello a d’ailleurs dû retirer de sa vente un plésiosaure (reptile marin) et le restituer au Maroc qui soupçonnait une exportation illégale. « Il faut respecter les législations de chaque pays ! », rappelle l’expert.
À ces contraintes s’ajoutent de multiples critères pour établir la valeur, dont le principal est le pourcentage d’os d’origine. « Le squelette doit être le plus complet possible. Je me refuse à proposer à la vente un spécimen qui n’est pas complet à 70-75 % », indique le spécialiste. En outre, des critères comme la rareté, l’espèce (connue ou non), l’état de conservation, la qualité de la fossilisation… jouent sur le prix. Un dinosaure complet à 100 % se négocie aujourd’hui 1,8 million d’euros, tandis qu’un partiellement complet (70 %) peut valoir entre 500 000 et 800 000 euros. Pour un herbivore comme un diplodocus – habituellement moins coté qu’un carnivore –, il faut débourser entre 500 000 euros et 1 million d’euros selon le pourcentage d’os natifs. Des prix qui restent bien en deçà du record mondial détenu par Sue, un Tyrannosaurus rex complet de 13 mètres parti à 8,4 millions de dollars chez Sotheby’s New York en 1997.
Faire figurer dans le catalogue de vente les points GPS de la découverte, démontrant la provenance, est vivement recommandé, de même qu’un plan de fouilles avec un schéma précis des os d’origine et des parties rapportées. Ce qui n’est pas toujours respecté.
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Dinosaures, un marché en plein essor
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°503 du 8 juin 2018, avec le titre suivant : Dinosaures, un marché en plein essor