Côté économie, rien ne prête à sourire, le déficit de l’État français ayant plus que doublé depuis un an. Mais le monde de l’art, lui, ne baisse pas les bras.
Certes, au cours des six premiers mois de l’année, licenciements, fermetures, baisses de chiffre d’affaires et faible fréquentation des galeries formaient le menu des conversations. Mais le discours a sensiblement évolué. La réalité aussi. L’un des premiers vernissages de la rentrée parisienne, celui de Lee Ufan chez Thaddaeus Ropac, était bondé. La crise n’a pas eu raison d’une donnée vitale : le désir, l’appétit d’art. De fait, les visiteurs sortaient secoués par la densité métaphysique du travail tout en sourde musicalité de l’artiste coréen. Celui-ci n’était pas la seule vedette internationale de cette rentrée parisienne. Avec Mike Kelley chez Ghislaine Hussenot ou Takashi Murakami chez Emmanuel Perrotin, la capitale reprend des couleurs. Comme si, soudain, Paris redevenait une vitrine intéressante pour ces créateurs convoités. Au point que Maurizio Cattelan, qui jouira d’une exposition au Guggenheim de New York en 2011, partira à l’assaut du château de Versailles. Pour la star montante indienne Sudarshan Shetty, exposer à Paris chez Daniel Templon est tout aussi important qu’être visible chez Ursula Krinzinger à Vienne. Ce d’autant plus qu’il espère à la clé un débouché intéressant : être intégré dans l’exposition sur l’Inde que le Centre Pompidou prépare pour 2011. Si la rentrée semble aussi revigorante, c’est que les galeries ont commencé à se remuer les méninges et à jouer des coudes sur le plan international. Le galeriste parisien Frank Elbaz profite ainsi de la fenêtre de tir qu’offre la désertion en rafale de ses confrères américains pour occuper le terrain dans les foires les plus courues. Il signera son premier grand chelem en participant cet automne à Frieze (Londres), Artissima (Turin) et Art Basel Miami Beach.
Aubaine
Même les acteurs des marchés londonien et new-yorkais ont cessé de pleurnicher sur leur sort. Certes, New York ne n’est pas encore remis du choc. Mais les fermetures ne signent pas toujours la fin d’une activité. Après avoir été obligée de quitter Chelsea, la galerie Bose Pacia s’est délocalisée à Dumbo. La chute de l’immobilier, qui a fait fondre le patrimoine de certains gros acheteurs, a incidemment permis aux structures associatives ou gérées par les artistes de rebondir. Le New York Times rapporte que la fondatrice de la galerie Bellwether, qui a dû fermer son lieu faute de trésorerie, songe à monter des expositions nomades dans des locaux laissés vacants. À Londres, les « pop-up galleries » fleurissent dans des espaces anciennement occupés par des boutiques de luxe. Un bon pis-aller pour les propriétaires qui évitent ainsi tout vandalisme ou squat intempestif. Une aubaine pour des structures qui n’auraient guère pu prendre pied dans les quartiers chics de Mayfair ou Belgravia. Saisissant une opportunité locative intéressante, la galerie Bischoff Weiss vient ainsi de quitter l’East End pour Mayfair. D’autres jeunes structures, dont les baux se terminent, pourraient prendre le même chemin. Ce mouvement a pris un tel essor que le gouvernement britannique a mis la main au portefeuille, allouant la somme de 3,5 millions de livres sterling pour l’installation d’artistes dans les bureaux et commerces désertés. Quand la crise devient créative…
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Crise créative
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°309 du 18 septembre 2009, avec le titre suivant : Crise créative