Avec 676 millions de dollars récoltés en trente-cinq lots, le premier volet de la collection devient la vente la plus chère jamais organisée par Sotheby’s en une seule session.
New York. Le 15 novembre, Sotheby’s New York orchestrait la première vente de l’exceptionnelle collection de l’ex-couple formé par Harry et Linda Macklowe. Réputée être « la plus grande collection d’art moderne et contemporain jamais proposée sur le marché », comme l’a fait savoir Charles F. Stewart, PDG de Sotheby’s, l’ensemble comprend soixante-cinq œuvres, estimées plus de 600 millions de dollars. Du jamais vu. La première session, composée de trente-cinq lots – la seconde se tiendra en mai –, a déjà atteint 676 millions de dollars frais compris [596 M€]. « C’est une officialisation du retour du marché à son plus haut niveau, un signal extrêmement positif et dont le marché avait vraiment besoin, surtout pour convaincre des vendeurs de mettre en vente », a commenté Thomas Seydoux, expert et conseiller en art impressionniste et moderne.
Pour ce premier volet composé d’œuvres majeures – peintes à des périodes clés, incluses dans des expositions d’envergure, dernier exemplaire en mains privées ou présentées pour la première fois sur le marché –, tous les lots ont trouvé preneur. Le plus chèrement adjugé, un Mark Rothko jaune-orangé, N°7, de 1951, lorsque l’artiste se tourne vers l’abstraction, a été vendu 82,5 millions de dollars [73 M€]. En deuxième position, Le Nez, d’Alberto Giacometti, conçu en 1949 et fondu en 1965, une sculpture à la fois audacieuse et fascinante, a atteint 78,4 millions de dollars [69 M€], soit juste en dessous de son estimation basse, très optimiste (70 M$). L’œuvre a été acquise par Justin Sun, milliardaire chinois de 31 ans et PDG de la plateforme de cryptomonnaie Tron (sise à Hongkong). Il souhaite la mettre dans sa fondation.
Un tableau monumental Untitled, aux fleurs rouges dégoulinantes peint en 2007 par Cy Twombly et issu d’une série de six, a été emporté 58,8 millions de dollars [52 M€] (est. 40 à 60 M$), tandis que Nine Marilyns, d’Andy Warhol (1962), de même estimation, a été adjugé 47,3 millions de dollars [41,7 M€]. Même si ces œuvres sont restées dans la fourchette de leurs estimations, « ce sont de beaux chiffres car les estimations étaient déjà très hautes », a estimé le marchand Christian Ogier. En outre, Number 17, de Jackson Pollock (1951), a pulvérisé son estimation haute (35 M$) avec 61,1 millions de dollars [54 M€] – un record pour l’artiste.
Sotheby’s enregistre donc la plus grosse vente de son histoire avec cette collection, dont l’arrivée sur le marché est la conséquence d’un divorce très conflictuel entre le magnat de l’immobilier new-yorkais Harry Macklowe et son ex-femme Linda. Mariés pendant 57 ans avant une demande de divorce en 2016, ils n’ont pas réussi à s’entendre sur la valeur de leur collection – alliant l’œil de Linda et l’audace de Harry. Aussi, fin 2018, la juge Laura Drager, siégeant à la cour suprême de l’État de New York, ordonnait la vente des œuvres, confiant à Michael Findlay, directeur d’Aquavella Gallery et ancien de Christie’s, le soin de mener les opérations.
Une « vente forcée » donc, ce qui a inévitablement déclenché une âpre bataille entre Sotheby’s, Christie’s et Phillips. Finalement, c’est Sotheby’s qui a remporté la mise. « Findlay, qui connaît parfaitement le marché, a très bien su négocier les termes de la vente et obtenu le meilleur accord pour les vendeurs. Et si c’est Sotheby’s qui a gagné, c’est parce qu’elle a proposé une garantie plus élevée que Christie’s et plus élevée que l’estimation basse de 600 millions de dollars. Et plus les maisons de ventes s’engagent par le biais des garanties pour le vendeur, plus elles s’investissent dans l’issue de la vente. », explique Christian Ogier. En effet, la maison de ventes de Patrick Drahi a sorti l’artillerie lourde : outre la vacation à la fois en salle et retransmise en direct aux quatre coins du monde, Sotheby’s, qui avait dévoilé la vente le 9 septembre, lors d’un événement diffusé mondialement en direct – une première – a orchestré une « tournée » de la collection avec pas moins de huit escales (le record était de sept) réunissant 27 000 visiteurs, lancé un site Internet, multiplié les vidéos sur chaque œuvre et programmé des débats, des visites… sans oublier une utilisation massive des réseaux sociaux. « Le travail fait avant la vente a été extraordinaire. Sotheby’s a mis toutes ses ressources à disposition à 200 %, quitte à perdre un peu d’argent et, grosso modo, elle avait placé tous les tableaux avant », a souligné Thomas Seydoux. « Mais l’escalade des garanties fait qu’il y a moins d’enchères et moins d’ambiance car une grande partie est déjà jouée d’avance. Cette inflation des garanties a littéralement transformé la physionomie du marché. Sans elles, les gens ne mettent pas en vente », a-t-il ajouté.
Autre fait remarquable, la collection a été promue très fortement en Asie, et tout a été fait pour séduire les collectionneurs asiatiques, depuis le choix de l’heure de la vente – peu favorable à l’Europe – jusqu’au catalogue sous-titré en chinois, en passant par quatre présentations de la collection sur ce continent contre seulement deux en Europe. « Et cela a payé puisque, entre autres, les deux lots phares, le Rothko et le Giacometti, ont été acquis par des Asiatiques », a précisé Christian Ogier.
Rendez-vous en mai pour savoir si cette collection s’inscrira dans l’histoire des ventes aux enchères en devenant la plus chère du monde, devant celle des Rockefeller (835 M$ chez Christie’s en 2018).
Toutes les estimations sont indiquées hors frais acheteur tandis que les résultats sont indiqués frais compris.
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Collection Macklowe, la vente de tous les records
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°578 du 26 novembre 2021, avec le titre suivant : Collection Macklowe, la vente de tous les records