Parcours

« Choices », un modèle à revoir

Par Frédéric Bonnet · Le Journal des Arts

Le 24 mai 2016 - 752 mots

Malgré quelques belles expositions, la troisième édition du week-end qui rassemble 36 galeries d’art
parisiennes pour les collectionneurs internationaux pèche par son organisation et ses ambitions.

PARIS - À la galerie Jousse Entreprise, c’est presque un cadeau que fait Ange Leccia à ses visiteurs. Derrière une vitrine recouverte d’un filtre bleu, son exposition « Je t’aime, jour et nuit » laisse dans une atmosphère ambiguë s’enchaîner des films anciens et récents, où s’expriment des occurrences du désir entre présence, corporalité, apparition et désintégration, et qui semblent vouloir retenir le visiteur.

« Choices Paris. Collectors Weekend », qui s’est tenu les 21 et 22 mai, a été le cadre de quelques belles propositions, comme la remarquable exposition de dessins d’André Masson concoctée par Natalie Seroussi, ou celle des feuilles d’Alina Szapocznikow par Lœvenbruck. Dans un registre plus contemporain, on pouvait se laisser entraîner par les pérégrinations géographiques et temporelles de Julien Discrit chez Anne-Sarah Bénichou ou la découverte de l’artiste cubain Lázaro Saavedra chez Georges-Philippe et Nathalie Vallois.

Une sélection à améliorer

Si en 2015, quarante galeries avaient été au rendez-vous, cette troisième édition en a rassemblé trente-six. Air de Paris, GB Agency, Thomas Bernard, Anne Barrault, Art : Concept, Laurent Godin, Crèvecœur, Samy Abraham ou Karsten Greve n’en sont plus, quand ont fait leur apparition Perrotin, VNH, Lelong et Louis Carré, mais aussi NextLevel, Bendana Pinel, Galerie l’Inlassable ou Rabouan Moussion.

Alors que les deux premières éditions avaient laissé quelque peu sceptique, la troisième confirme que c’est l’ensemble de la formule qui devrait être repensée, au-delà même de l’instauration d’une véritable sélection qui viendrait atténuer un gouffre qualitatif abyssal. S’il est normal de ne pouvoir apprécier la totalité des propositions d’un tel événement, la visite a néanmoins fait montre de la faiblesse d’un trop grand nombre d’expositions. Pensée en premier lieu afin d’attirer des collectionneurs étrangers, l’initiative ne leur aura probablement pas laissé un souvenir impérissable. « On se retrouve en compétition avec des partenaires qui n’ont pas d’ambition. Montrer autant de galeries moyennes décrédibilise l’ensemble », fustigeait un galeriste ayant jeté l’éponge. Il était également curieux de ne pas avoir imposé à chacun d’ouvrir une nouvelle exposition pour l’occasion, alors que près d’un tiers s’achevait ce week-end-là. Cela n’aura certainement pas aidé à mobiliser les amateurs locaux, essentiels eux aussi à la réussite de telle opération et qui probablement avaient déjà vu une grande part des accrochages.

Un accrochage hétéroclite au Palais de Tokyo

Tout aussi problématique est l’exposition collective, organisée cette année dans un recoin du Palais de Tokyo, qui dessert tout le monde en donnant l’image d’un grand fourre-tout, où rien n’est à son aise. Quel que puisse être le talent du commissaire – cette année Laurent Lebon et Émilie Bouvard – cela ne change rien, puisqu’il ne peut que se borner à essayer de faire cohabiter le moins mal possible des œuvres hétéroclites qui lui sont imposées par les galeries, une chacune. « C’est catastrophique », constatait navrée une participante, tandis qu’une autre abondait : « Il est vrai que cette exposition ne sert à rien. Le commissaire devrait au moins pouvoir choisir lui-même des œuvres dans les galeries et ne pas se les faire imposer. »

N’y aurait-il pas également meilleur usage à faire d’une partie des 6 000 euros versés par chaque galerie que de faire séjourner dans un palace les collectionneurs invités ? « Il y a dans le lot des galeries financièrement très fragiles, pour qui c’est une grosse somme. Il est déplacé que cela serve à inviter au Meurice des gens qui en ont les moyens. Quelle est l’étape suivante ? », s’interrogeait un ancien participant.

D’autant que les résultats commerciaux ne semblent pas être au rendez-vous. « Je n’ai jamais vu à Choices des collectionneurs internationaux à fort pouvoir d’achat. S’il s’agit d’inviter un Luxembourgeois, deux Belges et des collectionneurs de l’Adiaf [Association pour la diffusion internationale de l’art français]… », pestait un galeriste, rejoint par un confrère qui confirmait : « Il y a peu de ventes car on invite des gens que l’on connaît déjà, cela ne sert à rien. »
« Commercialement cela ne m’apporte rien, constatait également un participant de cette année, mais c’est bien d’essayer d’animer un peu Paris. » Ce que défendait également un autre, pour qui « toutes les initiatives collectives de galeries visant à rendre Paris plus attractif sont à appuyer, et il vaut mieux s’en solidariser que de faire la fine bouche. » Avec un peu plus d’ambition et d’autres initiatives peut-être ?

Légendes photos

Vue de l'exposition Choices au Palais de Tokyo, avec de gauche à droite les œuvres de Carmen Perrin, Julien Discrit et Ange Leccia. © Photo : Nicolas Brasseur.

Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°458 du 27 mai 2016, avec le titre suivant : « Choices », un modèle à revoir

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