Ventes aux enchères

Catalogues de ventes : le papier n’a pas dit son dernier mot

Par Marie Potard · Le Journal des Arts

Le 14 septembre 2021 - 759 mots

Si les maisons de ventes ont limité le tirage et l’envoi de leurs catalogues, la disparition de la version papier n’est pas à l’ordre du jour.

Catalogues de ventes aux enchères © Millon © Sotheby's © Ader
Catalogues de ventes aux enchères.
© Millon © Sotheby's © Ader

Les grandes maisons parisiennes ont été les premières à revoir la diffusion de leurs catalogues à la baisse, tant du côté du routage que de l’impression. Elles ont aussi été les plus drastiques. Sotheby’s a lancé le mouvement dès 2018, et Christie’s lui a emboîté le pas en janvier 2020. En 2019, la maison de ventes imprimait trente-huit catalogues en 75 941 exemplaires contre vingt-six (et 23 343 exemplaires) en 2020. À titre d’exemple, chez Artcurial, pour les catalogues des ventes estivales à Monaco, « il y a cinq ans, nous envoyions 3 500 catalogues par vente et, depuis la crise sanitaire, nous n’en imprimons que cinq cents, qui ne sont plus envoyés par la Poste mais distribués à l’exposition », rapporte Julie Valade, directrice associée.

Pour les autres opérateurs, la coupe n’a pas été aussi sévère. S’ils reconnaissent volontiers avoir réduit le tirage, ils ne comptent pas se passer de la version papier – notamment pour les ventes d’exception, de collections et de spécialités. « C’est une carte de visite qui assure le sérieux de la maison », juge David Nordmann qui dirige Ader. « Toutes nos ventes supérieures à 200 000 euros d’estimations ont un catalogue papier. Il y a cinq ou dix ans – nous avions alors moins de ventes –, nous produisions entre 5 000 et 7 000 exemplaires contre 1 000 à 2 000 aujourd’hui », rend compte Alexandre Millon. En parallèle, le routage est davantage ciblé. « Même si notre fichier s’est étoffé, il est beaucoup plus travaillé et réfléchi – nous sommes dans une logique économique –, or c’est le routage qui coûte cher », admet Frédéric Chambre, directeur général de Piasa.

Les catalogues coûtent cher

Dans cette diminution du tirage et de l’envoi, les motivations des maisons de ventes sont principalement économiques, bien au-delà des considérations écologiques. Le coût, entre le maquettiste, l’imprimeur et le routeur, représente en moyenne entre 3 et 6 % du montant adjugé. Un catalogue de cent pages peut revenir à 4 000 euros pour 1 000 exemplaires et jusqu’à 20 000 euros pour le routage. Sans compter le gâchis, avec des envois qui n’arrivent pas à bon port quand nombre de clients ont plusieurs adresses. Fait nouveau, certains même demandent à ne plus recevoir la version papier, préférant le PDF.

Quant à l’impact commercial vis-à-vis des acheteurs, il n’est pas concluant : « Il y a cinq ans, nous avions déjà observé que sur deux cents acheteurs, 15 % seulement avaient reçu le catalogue », souligne Julie Valade. Un impact quasi nul en période de pandémie avec des ventes réussies sans qu’aucun catalogue n’ait été envoyé. « Cela prouve bien que l’on peut mobiliser les acheteurs autrement que par un catalogue, devenu surtout un outil de “business getting” », observe Cécile Verdier, présidente de Christie’s France.

Seule à avoir franchi le cap, FauveParis a pris une décision radicale en 2017 : la suppression totale de ses catalogues, en l’occurrence ses « magalogues », mi-catalogues, mi-magazines. « Pour des questions de rentabilité et aussi parce que d’une à deux ventes mensuelles, nous sommes passés à une vente par semaine », explique Lucie-Éléonore Riveron, cofondatrice et présidente.

Vers une cohabitation papier et numérique

Si un coup de frein a été donné en 2020 suite aux confinements successifs, avec un basculement vers le numérique, les catalogues papier ont depuis retrouvé leur vitesse de croisière et leur disparition totale n’est pas à l’ordre du jour. « Même si le Covid est passé par là, on ne peut pas renverser la table du jour au lendemain et tout faire disparaître. Ça serait trop violent et pas sérieux. J’ai choisi d’investir massivement dans la croissance numérique tout en poursuivant les catalogues papier pour les ventes importantes donc “jamais sans mon papier mais toujours plus de numérique” », lance Alexandre Millon.

Moins de tirage et de routage donc mais des catalogues papier qui perdurent, Covid ou pas, à côté des différentes propositions numériques qui, elles, s’accélèrent (catalogues en ligne multipliant les photos, vidéos, visites virtuelles, réalités augmentées, vues 3D…) et ont aussi un coût. Aussi, les économies réalisées sur les catalogues papier sont souvent en partie englouties par le marketing numérique. Mais pas pour tout le monde : « Nous avions les compétences en interne, donc on a pu enlever deux zéros à la facture. Entre le photographe, la mise en ligne sur les plateformes, etc., cela représente environ 5 % de notre chiffre d’affaires (contre un quart avec les catalogues papier). L’économie a été radicale », pointe Lucie-Éléonore Riveron.

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Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°572 du 3 septembre 2021, avec le titre suivant : Catalogues : le papier n’a pas dit son dernier mot

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