PARIS
La foire fête son quart de siècle avec une édition encore plus attentive à la scène locale et aux jeunes collectionneurs.
Paris. Art Paris rencontre l’année de ses 25 ans, une situation inédite : la Fiac, sa rivale historique, a cédé la place à Paris+ par Art Basel, dont la première édition a eu lieu l’automne dernier. C’est face à cette nouvelle entité au profil international qu’il lui faut désormais affirmer davantage son identité et mieux mettre en avant son soutien à la scène française. Depuis 2018, un parcours thématique confié à un commissaire invité distingue ainsi les œuvres d’une vingtaine d’artistes vivant et travaillant en France. Plus de la moitié des exposants de cette édition sont par ailleurs issus de l’Hexagone.
De cette préférence pour le local, la foire a fait un argument écologique en soulignant le faible impact carbone de ses transports et des flux de visiteurs. Voilà un an que la manifestation s’est officiellement engagée dans une démarche d’écoconception « qui s’appuie sur l’analyse de cycle de vie (ACV) », revendiquant cette initiative comme « une première dans le monde des salons d’art ». Art Paris ne fait donc plus, comme c’était le cas avant la pandémie, la promotion d’une scène étrangère chaque année différente (la Russie en 2013, la Chine en 2014, Singapour en 2015…), mais souligne la présence de galeries chilienne, ougandaise, roumaine, libanaise et coréenne. Nosbaum Reding (Luxembourg, Bruxelles) et The Pill (Istanbul), deux enseignes bien établies, rejoignent la foire, de même que Francesca Minni (Milan), seule galerie étrangère que l’on trouvait également dans la liste de Paris+ en octobre dernier.
Si la sélection de la foire, plus exigeante qu’à ses débuts, ne cesse de gagner en qualité, avec des marchands de premier plan comme Perrotin, Kamel Mennour, Lelong & Co, Nathalie Obadia ou Templon qui renouvellent leur participation, Art Paris compte seulement dix exposants français en commun avec Paris+. Parmi eux, Almine Rech (Paris, Bruxelles, Londres, New York, Shanghaï) fait son retour, tandis que la galerie Zlotowski (Paris) vient grossir les rangs des quelques spécialistes d’art moderne présents dans les allées.
En revanche, aucune des structures multinationales installées à Paris, comme Gagosian, Zwirner, Thaddaeus Ropac ou encore Hauser and Wirth, qui s’apprête à ouvrir un espace dans la capitale, ne participe à la foire. « Art Paris n’est pas fréquenté par les collectionneurs susceptibles d’acquérir des œuvres au niveau de prix pratiqué par ces poids lourds du marché, et ces derniers n’ont pas non plus une offre plus accessible à présenter sur une foire », estime un marchand parisien. La foire attire a contrario des primo-collectionneurs rassurés par l’environnement moins intimidant que celui de Paris+. La peinture, notamment figurative, est par ailleurs très représentée dans les stands.
Pour autant, cela ne décourage pas plusieurs galeries (Clavé Fine Art, Ditesheim & Maffei Fine Art, Lelong & Co, Loevenbruck, Rabouan Moussion, Traits Noirs…) d’afficher des prix supérieurs à 100 000 euros. Quelques-unes font même le pari de montrer des pièces au-delà de 1 million d’euros. Comme Retelet (Monaco), qui pour sa première participation présente une peinture de René Magritte à 3 millions d’euros. « Il ne faut jamais avoir peur de montrer des belles œuvres, même à des prix élevés. Souvent, la raison pour laquelle ces prix ne sont pas atteints sur une foire est que personne n’ose proposer des montants aussi importants. En revanche, il ne faut pas montrer que cela, c’est pourquoi je viens avec des œuvres à des prix plus abordables », explique Augustin Nounckele, managing partner de la galerie monégasque. On trouvera également un tableau de la première période de Pierre Soulages à 2 millions d’euros sur les cimaises d’Opera Gallery (New York, Paris, Miami, Genève…).
Afin d’assurer une meilleure lisibilité des stands, cette édition a encouragé les galeries à présenter des solo shows et en a retenu seize (c’est cependant beaucoup moins qu’Art Brussels qui en présente près de trente dans son secteur principal et récompense la meilleure monographie par un prix de 10 000 euros). La foire fait valoir que c’est aussi une façon de permettre au public de découvrir en profondeur le travail d’artistes modernes ou contemporains, des peintures à la laque industrielle de Jean Dewasne chez Trigano (Paris) au décor immersif conçu par Alexandre Benjamin Navet pour la galerie Derouillon.
Deux parcours thématiques renforcent enfin la dimension éditorialisée d’Art Paris. L’un, autour de l’exil, a été pensé par Amanda Abi Khalil, commissaire invitée qui a retenu dix-sept artistes. Le second, confié à Marc Donnadieu, invite à une réflexion sur la notion d’art et d’engagement. On pourra s’étonner qu’une foire commerciale mette en exergue un propos que l’on s’attend davantage à trouver dans une biennale. Mais « le contexte actuel, que ce soit la guerre en Ukraine, le climat, les questions identitaires, etc., exige un engagement de chacun », estime Marc Donnadieu, qui ajoute : « La démarche ne consiste pas à se donner bonne conscience, mais à sensibiliser le public. Tout en gardant à l’esprit qu’il faut avant tout que les galeries vendent, sans quoi elles ne reviendront pas sur la foire. »
L’inclination photo d’Art Paris
Photo. Art Paris, foire d’art qui se veut ouverte à toutes les disciplines, confirme la place accordée à la photographie. Rien d’étonnant quand on sait que son commissaire général, Guillaume Piens, a été directeur de Paris Photo de 2008 à 2011, et que Julien et Valentine Lecêtre, propriétaires d’Art Paris, ont participé au capital de Photo London. Cette inclination est d’autant plus précieuse pour les galeries photo que les portes des grandes foires d’art contemporain leur sont fermées, exceptées pour les plus grandes galeries du secteur telles que Howard Greenberg (New York) ou Edwynn Houk (New York). On ne compte ainsi désormais plus aucune galerie photo française à Art Basel, par exemple, comme on n’en comptait aucune l’an dernier pour la première édition de Paris+. Cette année, on relève aux côtés des galeries Binome (Paris), Esther Woerdehoff (Genève, Paris) ou Ibasho (Belgique) présentes déjà les années précédentes, la première participation des parisiennes Bigaignon et Fisheye Gallery, et le retour de Camera Obscura (Paris). Quant aux galeries généralistes, on trouve le photographe palestinien Taysir Batniji chez Éric Dupont (Paris), Boris Mikhaïlov chez Suzanne Tasarieve (Paris), Zanele Muholi représentée par Carole Kvasnevski (Paris) et Bae Bien-U chez RX (Paris) et SLAG (New York), mais aussi Lucile Boiron à la galerie nomade Hors-Cadre, Mohamed Bourouissa chez Kamel Mennour (Paris) ou encore David de Beyter et Marc-Antoine Garnier chez Bacqueville (Paris et Pays-Bas). Tous les genres sont abordés avec, toutefois, une focalisation plus importante sur la photographie contemporaine par rapport à l’historique, malgré la présence de Lucien Hervé chez Camera Obscura ou de Marcel Mariën chez Retelet (Monaco). Quant à la sélection « Art et engagement » de Marc Donnadieu, elle ne compte qu’une photographe : Laura Henno (Nathalie Obadia, Paris, Bruxelles).
Christine Coste
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Art Paris, le « made in France »
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Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°608 du 31 mars 2023, avec le titre suivant : Art Paris, le « made in France »