Quinze marchands représentatifs de la scène française, dont Art Paris se veut le chantre, présentent leurs pièces maîtresses.
Nous présentons cette année les créations récentes de Daniel Dewar & Gregory Gicquel (nés en 1976 et 1975), et celles de Blaise Drummond (né en 1967) ainsi qu’un beau tableau de Gilles Aillaud, artiste qui fera l’objet d’une exposition rétrospective à l’automne au Centre Pompidou. Une pièce emblématique figure en alcôve. Il s’agit de Sainte Mère la vache de Bernard Rancillac (1966), dont il existe une autre version dans les collections du Musée de Dôle. Au-delà de son côté pop, ce chef-d’œuvre de la figuration narrative a une forte signification politique.
Au moment où, après une interruption de quelques années, nous montrons à nouveau son travail à la galerie, nous présentons sur notre stand une huile sur toiles tressées de François Rouan (né en 1943). Bien qu’il ait exposé au Centre Pompidou en 1983, et plus récemment au Musée Fabre, à Montpellier, en 2017, ce peintre, que je tiens pour l’un des très grands artistes abstraits d’après-guerre, n’est pas considéré à sa juste valeur. Sa peinture, qui tend vers le semi-figuratif, est une peinture cultivée : il est temps de le redécouvrir.
En amont de l’hommage que lui rendront, à partir du 18 avril, le Musée du Louvre, le Musée d’Orsay et le Centre Pompidou, et de notre exposition (à partir du 21 avril dans la galerie de l’avenue Matignon), nous présentons une peinture de Claude Rutault (1941-2022). Celle-ci est constituée de treize toiles de petit format rectangulaires ou carrés pouvant servir à écrire le mot « post-scriptum » selon le protocole défini par l’artiste. Toutes les toiles sont peintes de la même couleur que le mur sur lequel elles sont accrochées.
La galerie met en avant le travail de Thu-Van Tran (née en 1979) à travers des tableaux de sa série récente « Colors of Grey » (qui comprend une pièce de dimension importante actuellement présentée à la Collection Pinault dans l’exposition « Avant l’orage » à la Bourse de commerce). Il s’agit de peintures abstraites évoquant des paysages en lien avec la mémoire traumatique de la guerre du Vietnam. Pour autant, l’œuvre de Thu-Van Tran reste ouverte, ambivalente ; on peut également y voir une lueur d’espoir.
Dans la lignée des grands peintres naturalistes et figuratifs comme Gustave Courbet, Paul Rebeyrolle (1926-2005) utilise la peinture et la violence des matériaux pour affirmer sa révolte face à l’oppression, à l’asservissement de l’homme. Issue de la série du « Monétarisme », sa Vache Rouge qui transperce le grillage d’un poulailler pour dévorer un lézard malfaisant fait exploser le lyrisme d’une nature bafouée. C’est un hymne profond à l’énergie vitale, instinctive et sensorielle nous ramenant à notre humanité.
Parmi les œuvres phares de notre stand figurent de belles gouaches de la série « L’alphabet plastique » d’Auguste Herbin (1882-1960). Voilà un peintre qui a traversé tous les mouvements du XXe siècle, l’impressionnisme, le fauvisme, le cubisme et qui a su, jusqu’à la fin, inventer de nouvelles formes. La couleur sert de fil conducteur à son œuvre, qui a inspiré de nombreux artistes, parmi lesquels Victor Vasarely. Herbin mérite d’être regardé avec attention et devrait d’ailleurs bénéficier en 2024 d’une rétrospective dans une institution parisienne.
Nous présentons notamment une sculpture en bronze emblématique de l’artiste gallois Barry Flanagan (1941-2009). Dans Thinker on Computer (1996), on retrouve son lièvre fétiche assis sur un ordinateur, une association inattendue au modelage faussement désinvolte. Sculpteur, dessinateur et graveur, Barry Flanagan a toujours pratiqué l’art subtil du contrepied, ce qui l’amena à s’intéresser à la pataphysique d’Alfred Jarry – une exposition dans notre galerie explore jusqu’au 29 avril cette « science des solutions imaginaires » qui relie les deux artistes.
L’une des œuvres phares du stand est une Étude de Simon Hantaï (1922-2008) d’un bleu profond, emblématique de cette série des années 1969-1970. La présence de cette toile dans notre accrochage vient entériner l’histoire patrimoniale de la galerie tout en faisant de Hantaï la figure tutélaire des artistes des générations suivantes que nous défendons, comme Dominique De Beir (née en 1964) ou Pierre Buraglio (né en 1939), avec, pour fil conducteur de cette présentation à Art Paris, l’abstraction et la couleur.
La galerie est heureuse d’annoncer la présentation de l’œuvre du peintre espagnol Juan Genovés (1930-2020). Cet ardent militant de la justice sociale a abordé principalement deux sujets : l’individu, qu’il représente en relief par des collages, et la foule, qu’il peint avec des couleurs neutres, comme dans Abismal (2020), paysage vide peuplé d’une multitude de personnages. Un de ses tableaux, El Abrazo (1976), devenu un puissant symbole de la transition démocratique du pays est accroché au Congrès espagnol à Madrid.
Nous présentons une œuvre de Jean Paul Riopelle (1923-2002) qui est un parfait exemple de la liberté artistique et de la force créatrice dont cet artiste fait preuve dans les années 1960. Riopelle travaille directement sur la surface, comme un sculpteur, jusqu’à ce qu’il ne laisse plus d’espace, obtenant ce résultat immersif et fragmentaire. Le choix de sa palette et de la forme de sa toile nous plonge alors dans un paysage imaginaire qui peut évoquer aussi bien la terre vue du ciel qu’une nature étudiée au microscope.
Nous consacrons un focus à Victor Vasarely (1906-1997), en écho à notre exposition de l’avenue Matignon qui rassemble un corpus d’œuvres dont certaines n’ont jamais été montrées en France. Sur notre stand, pour faire écho à l’énergie d’Art Paris, nous présentons trois tableaux de la série des « Hémisphères », dans laquelle il déforme les lignes pour obtenir un effet optique. Vasarely a beaucoup produit à un moment de sa vie, mais ses œuvres phares comme celles que nous avons réunies témoignent du fait qu’il était un plasticien génial.
Pour notre première participation, nous sommes très heureux de proposer un stand représentatif de notre passion pour le surréalisme, avec des œuvres de René Magritte (1898-1967) et de Marcel Mariën (1920-1993), un surréaliste belge moins connu. Chacun d’eux a travaillé avec le médium photographique. Cet aspect de l’œuvre de Magritte fut l’objet d’une exposition au Musée de la photographie de Charleroi (« René Magritte. Les images révélées », 2020) ; nous montrons un ensemble de ses photos en relation avec celles prises par Mariën.
S’il faut retenir une seule pièce, je parlerai de Bonjour Calder, une très belle tapisserie de Le Corbusier (1887-1965). Parmi son œuvre foisonnante, les tapisseries sont probablement ce qu’il a produit de plus abouti car la matière y joue un rôle important. On voit d’ailleurs que les motifs en sont très simples, très dépouillés, car ils ont été pensés spécifiquement pour la laine. Le Corbusier envisageait la tapisserie comme une pièce mobile, le « muralnomade » qu’il était possible de déplacer de maison en maison.
Rezilientia (2020) de Ghyslain Bertholon (né en 1972) reprend, de façon allégorique, la théorie de Boris Cyrulnik sur la résilience. C’est une œuvre résolument – ou désespérément – optimiste. Elle nous dit qu’il est important de garder espoir, tout en étant conscient des efforts que l’humanité devra fournir pour conserver l’équilibre et la beauté de notre planète. Elle fait écho sur notre stand à la série « Dance in Close-Up » (2022) d’Erwin Olaf (né en 1959), hommage du photographe au chorégraphe Hans van Manen (né en 1932) auquel le lie une longue amitié.
Le stand fait dialoguer entre elles les pièces d’Antony Donaldson (né en 1939), figure du pop art britannique, avec celles de Vincent Beaurin (né en 1960), héritier de l’esthétique relationnelle. Son Ocelle (terme qui désigne une tache arrondie bicolore évoquant un œil sur l’aile d’un insecte ou sur un pelage) renvoie à la conversation qui s’instaure entre le spectateur et la matérialité de l’œuvre. La présentation de ces deux artistes dans le cadre de la foire marque un tournant décisif dans la ligne artistique de la galerie.
L’accès à la totalité de l’article est réservé à nos abonné(e)s
Art Paris 2023, les coups de cœur de quinze galeristes
Déjà abonné(e) ?
Se connecterPas encore abonné(e) ?
Avec notre offre sans engagement,
• Accédez à tous les contenus du site
• Soutenez une rédaction indépendante
• Recevez la newsletter quotidienne
Abonnez-vous dès 1 €Cet article a été publié dans Le Journal des Arts n°608 du 31 mars 2023, avec le titre suivant : Art Paris 2023, les coups de cœur de quinze galeristes